Les Suisses crient haro sur leurs banques
Les Suisses se prononceront prochainement dans un référendum pour donner ou non à la Banque nationale suisse le monopole absolu de la création monétaire. Les partisans d’une économie dé-financiarisée applaudissent, le secteur bancaire privé fait la grimace.
À petit pays grande réforme ? Décidément, certains Suisses ne semblent reculer devant aucune initiative populaire. Après celle sur un revenu universel, 111 824 personnes ont signé en faveur d’une votation qui vise à donner à la Banque nationale suisse (BNS) le monopole de la création monétaire ; initiative populaire enregistrée fin décembre auprès de la chancellerie fédérale.
Le vote aura lieu quels que soient les avis du gouvernement et du parlement. Déjà, en 2014, l’Islande a envisagé la nationalisation de l’émission monétaire. Ce tout petit pays a en effet plus qu’une dent contre les dérives monétaires et financières : on se souvient que l’effondrement des subprimes en 2007 et 2008 avait failli le rayer de la carte économique (lire Nexus n°90 : Islande, les leçons d’une révolution).
Grosso modo, le but est de réduire l’émission monétaire des banques privées à celle de la banque centrale (la « base monétaire »). Ses partisans sont convaincus que le financement de l’économie réelle gagnera en qualité. Pour eux, il s’agit de dé-financiariser l’économie au bénéfice du peuple.
Stabiliser l’économie par la « monnaie pleine »
Naturellement, ses opposants disent le contraire. Et dans ce pays où le secteur financier constitue plus de 12 % de l’économie, ils sont nombreux ! Des groupes bancaires internationaux comme l’UBS ou le Crédit Suisse ne vont pas se laisser couper leur pourvoir monétaire – ce levier qui leur permet d’émettre beaucoup plus de monnaie que leurs réserves en monnaie centrale. D’ailleurs, en cas de vote favorable, ils déserteraient sans doute le pays.
Les partisans du projet « monnaie pleine » font valoir par ailleurs que la Banque nationale peut décider de créer de la monnaie directement en faveur des gens (« quantitative easing for people »), par exemple sous la forme de revenu de base. Dans les hautes sphères des banques centrales, on s’interroge d’ailleurs officieusement sur la stérilité de l’inondation monétaire quasi perpétuelle à coups de centaines de milliards…