Instruction en famille : lettre ouverte d’une maman à nos députés
Pauline Bichet, maman qui avait lancé l’alerte sur les mesures liberticides envisagées pour les conditions d’accès à l’Instruction En Famille, s’adresse aujourd’hui à nos députés par l’intermédiaire d’une lettre ouverte.
Des méthodes de propagande pour conforter les principes de notre République ? L’Instruction En Famille pour exemple.
Madame la députée, Monsieur le député,
Je me permets de vous écrire pour vous alerter au sujet de l’interdiction de l’Instruction En Famille. Le gouvernement prétend ne pas supprimer cette liberté, mais simplement l’encadrer. Pourtant chacun le sait : une liberté soumise à autorisation n’est plus une liberté. Dans un régime de déclaration préalable, la liberté est le principe, tandis que, dans un régime d’autorisation, c’est l’interdiction qui est le principe. Un dispositif d’autorisation serait une atteinte à la liberté fondamentale que constitue le choix d’enseignement, quoi qu’en dise Monsieur Blanquer ces derniers mois. Lors de son audition du 17 Décembre, il prétend que « la liberté de choix ne disparaît pas » et que « le fait d’encadrer l’IEF ne signifie pas qu’on va limiter la liberté de choix des parents ». Alors, si cette liberté demeurait réellement intacte pour chaque famille malgré ce principe, à quoi bon instaurer une telle mesure? D’autant que l’Étude d’impact évalue à 29 000, le nombre d’enfants qui vont être renvoyés à l’école. Ces 29 000 enfants obligés de se rendre à l’école conserveront-ils « en même temps » leur liberté de choix ?
Monsieur Blanquer a certainement oublié que le 14 février 2019 il rendait, à l’Assemblée Nationale, son avis défavorable à l’instauration d’une autorisation préalable à l’IEF reconnaissant qu’elle irait à l’encontre du principe du choix de l’instruction, à valeur constitutionnelle.
Le gouvernement doit avoir le courage de reconnaître ses actions liberticides et ses manipulations. Soyons lucides, il ne s’agit pas d’encadrer mais d’interdire. Car l’IEF est déjà une instruction encadrée, soumise à la loi, déclarée et contrôlée comme l’école publique et privée, permettant par conséquent comme l’indiquent tous les documents officiels de repérer les enfants en danger, qu’il s’agisse de séparatisme islamique ou d’un manque d’instruction. Comment peut-on honnêtement affirmer préserver une liberté dans un régime où l’interdiction est le principe ?
Pour rappel, cette mesure « radicale » avait pour objectif initial, revendiqué très clairement par le Président lors de son discours du 2 Octobre 2020, de lutter contre le séparatisme islamique. Ce combat était la justification d’une telle loi liberticide. Désormais, l’intitulé beaucoup plus vague de « projet de loi confortant le respect des principes de la République » sort du cadre brûlant du radicalisme religieux. On ne nomme plus l’ennemi mais on garde la mesure. En élargissant insidieusement le nom de la loi, en jouant habilement avec la sémantique, on détourne l’objectif premier et on dérive sur une lutte contre le « séparatisme social » et des phénomènes que Monsieur Blanquer qualifie de « fragmentation », sans donner de définition de ces expressions équivoques, laissant à chacun le loisir de faire sa propre appréciation. Alors quelle est la véritable cible d’une telle mesure ? Pouvez- vous nommer clairement et avec certitude l’ennemi ? Est-ce bien le même pour chacun d’entre vous? Cette imprécision de langage donne, à celui qui considère par idéologie qu’un enfant doit aller à l’école, la possibilité d’imposer sa conviction en interdisant l’IEF, en dehors de tout combat contre l’islamisme radical. Il est donc urgent de recentrer le débat sur le sujet initial. Tout raisonnement en dehors de cet objectif est inopportun et indigne de notre République. Utiliser la peur du radicalisme et du terrorisme pour imposer une « conviction », supprimant une liberté n’est pas acceptable dans un État de droit, une démocratie et encore moins dans le cadre d’une « loi confortant le respect des principes de la République ».
Ce qui est incroyable, c’est qu’aucune preuve ne démontre un quelconque lien entre l’IEF et le séparatisme islamique, ni le rapport d’enquête de la commission du Sénat, ni l’Étude d’impact qui n’est d’ailleurs qu’un réquisitoire partial contre l’IEF et une plaidoirie pour l’École. Elle omet les qualités reconnues de la première et les défauts incontestables de la seconde. Pire, cette Étude qui mesure l’impact de cette loi sur neuf critères différents « oublie » de mesurer l’impact sur le séparatisme islamique… Où sont les chiffres qui justifient une telle privation de liberté ? Messieurs Blanquer et Darmanin ne cessent de donner en exemple cette fillette voilée de la tête aux pieds. Comment savoir si elle était en IEF ou déscolarisée non déclarée ? Car ce n’est pas la même chose : l’une est encadrée, l’autre non. L’amalgame est fâcheux quand le quotidien de nos enfants est en jeu. L’autre exemple avancé en boucle est le fait que 50% des enfants présents dans les écoles clandestines récemment démantelées étaient déclarés en IEF, sans jamais donner la valeur de référence. 50 % c’est impressionnant! Mais 50% de 20 n’est pas la même chose que 50% de 100 000. Alors pourquoi ne pas donner directement le nombre d’enfants concernés ? N’est-il pas suffisamment élevé pour justifier cette mesure liberticide ? D’ailleurs, Monsieur Blanquer reconnaissait lui même lors de son audition du 17 Décembre 2020 : « C’est vrai qu’à ce stade nous avons plutôt des évaluations du phénomène qu’un véritable comptage ». Et quand un député lui demande combien d’enfants en IEF sont devenus des terroristes, il répond « je pense que ce n’est vraiment pas la bonne façon de poser le débat ». Pourquoi cela ? Cette question est pourtant pertinente quand on sait que les terroristes français agissant sur le sol Français sont issus de l’école républicaine et jamais de l’IEF. Interdit-on l’école pour autant ? Non car il s’agit d’exceptions. Alors pourquoi supprimer une liberté qui ne présente, elle, aucun lien prouvé avec l’ennemi dénoncé ?
Au-delà du manque de preuve, au contraire, le vademecum d’octobre 2020 du ministère de l’Éducation nationale constatait que « Les cas d’enfants exposés à un risque de radicalisation et repérés à l’occasion du contrôle de l’instruction au domicile familial sont exceptionnels ». Voici donc l’aveu du ministère que les cas de dérive sont non seulement rares mais également repérés, comme la loi le prévoit. De même, la « mission flash » du début du quinquennat concluait que ce droit devait être maintenu, reconnaissant la qualité de l’enseignement et proposait des mesures de suivi plus poussées pour ne pas perdre d’enfants en chemin. Même les inspecteurs mettent en garde sur le « risque de faire comme si l’instruction à domicile, pour les familles à risque de radicalisation religieuse, était la cause du phénomène, alors qu’elle n’en est souvent que le symptôme. Dans ce cas, on risque de “casser le thermomètre” au lieu de soigner le mal ». M Blanquer reconnaissait lui même lors de son audition dans le cadre de l’enquête au Sénat, sous serment en Juin dernier, le fondement constitutionnel puissant de l’IEF, qu’il qualifiait même de « positif » et déclarait être parvenu à un bon équilibre sur le plan juridique avec le renforcement des contrôles instaurés.
Enfin la révélation sur le site de l’Éducation nationale où l’on apprend officiellement le 10 Décembre 2020 que « La scolarisation obligatoire est l’expression d’une conviction profonde : l’École est bénéfique pour l’enfant » et l’expression simpliste de Monsieur Blanquer, lors de son audition du 17 Décembre, « l’école c’est bon pour les enfants » à maintes reprises. Pense-t-il que le fait de répéter un avis personnel donne plus de valeur à son propos que des chiffres et des faits avérés ?
Le gouvernement va-t-il imposer une loi, supprimant une liberté constitutionnelle par « conviction profonde » ?
Un dogme devient-il une raison suffisante pour légiférer, qui plus est lorsqu’il s’agit de nos enfants ? Allez-vous participer à ce naufrage de notre démocratie ?
Ce qui m’inquiète profondément, ce sont les méthodes de propagande utilisées : fake-news pour pallier l’absence de chiffres et de preuves. Le Premier ministre qui affirme le 9 Décembre, dans le journal Le Monde que « Dans la loi française, le principe est l’école obligatoire, un principe assorti d’exceptions » ce qui est faux, car c’est l’instruction qui est obligatoire selon la Loi, non pas l’école ; Monsieur Blanquer qui affirme que cette loi n’est pas une privation de liberté et qu’elle n’est pas inconstitutionnelle après avoir dit l’inverse à plusieurs reprises, l’amalgame entre écoles clandestines et IEF; étude d’impact partiale faisant passer les parents en IEF pour des incompétents, des marginaux, repliés sur eux mêmes, mettant en danger leurs enfants, tout en érigeant l’école républicaine sur un piédestal ; utilisation d’exceptions pour en faire des généralités, diffamation envers les familles en IEF respectueuses des valeurs françaises ; changement du nom de la loi perdant l’objectif initial ; publications anticipées de la mesure sur les sites officiels avant même la présentation du projet de loi au conseil des ministres ; application anticipée de la loi dans de nombreuses écoles allant jusqu’à menacer les parents de prévenir les services sociaux ; écriture ambiguë de la loi permettant à chacun d’y comprendre ce qu’il veut ; suppression de cette liberté par « conviction » ; usage excessif de la sémantique du danger pour justifier ce projet et utilisation de l’état d’urgence pour passer cette loi en procédure accélérée. Alors que penser de la légitimité de nos institutions et de votre rôle de parlementaire dans ces conditions ?
Au milieu de cette dérive autoritaire, vous êtes le garde-fou de notre Démocratie. Car en ayant connaissance de ces éléments, comment pourriez-vous honnêtement cautionner de telles méthodes, qui plus est pour une loi confortant le respect des principes de la République ? Nous comptons sur vous pour ne pas prendre votre décision par fidélité politique, mais par responsabilité civique, pour justement montrer l’exemple à tous ces enfants de la République.
Car oui, vous avez le devoir envers ces enfants, en tant que parlementaire, de prendre votre décision en vous appuyant sur des données réelles, concrètes, chiffrées, prouvées pour mesurer l’impact et la légitimité d’une telle mesure.
Sinon, vous risqueriez de punir des innocents, des enfants, tout en laissant la liberté, à ceux que vous pensez combattre, de continuer d’agir. Les données sont vastes et je sais que votre temps est limité. Aussi je me permets de vous joindre un document de 19 pages regroupant des informations essentielles.
Je conçois que le monde de l’IEF puisse paraître à priori marginal et même faire peur car nous craignons souvent ce que nous ne connaissons pas. Sachez d’emblée que la « mission flash » du début du quinquennat, a reconnu la qualité d’enseignement en IEF avec 92% des premiers contrôles jugés satisfaisants. Notez également que les seconds contrôles sont très favorables avec au final moins de 1% de mise en demeure de scolariser en 2016-2017 selon le rapport d’enquête du Sénat. Cette forme d’instruction donne d’excellents résultats tant par la qualité des connaissances acquises que par l’ouverture d’esprit et le civisme des enfants concernés, comme le montrent les études à l’étranger. Pourquoi la France n’en réalise-t-elle pas ? Aux États-Unis, des universités réputées cherchent à recruter des jeunes issus de l’IEF, leur reconnaissant des qualités remarquables. Quand on sait qu’en France 700 000 enfants sont victimes de harcèlement scolaire chaque année, que selon le classement PISA, l’école française continue d’accentuer les inégalités sociales au lieu de les réduire et que selon la dernière enquête Timss, réalisée en mai 2019, la France est la dernière d’Europe, et avant-dernière des pays de l’OCDE, peut on comprendre que l’école ne soit pas le choix de certaines familles ? Comprenez bien que je ne suis pas favorable à ce que l’IEF remplace l’École. Je suis pour que les deux formes continuent de cohabiter dans le respect du choix des enfants et de leurs parents. Les deux possèdent très certainement des avantages et des inconvénients, qu’il est toujours possible d’améliorer. Soyons ouverts, inventifs et coopérants.
Comment le tout petit apprend-il à marcher, à manger, à parler, à rire, à aimer, à jouer, à découvrir le monde ? Il apprend naturellement à un rythme qui lui est propre, concentré tantôt sur son développement moteur, tantôt sur le langage, dans la joie de ses progrès, soutenu par sa famille. Pourquoi ne serait-il plus capable soudainement d’apprendre en suivant sa curiosité naturelle, son envie innée de découvrir et de comprendre, en affinant ses centres d’intérêts au fil de ses découvertes, avec l’accompagnement de ses parents ? Cette façon d’apprendre n’est nullement opposable à la vie en société bien au contraire, puisque se sentant en sécurité, l’enfant se fait et fait confiance aux autres, devenant un être sociable et empathique.
L’IEF est le choix réfléchi de parents très renseignés sur l’éducation dans l’intérêt de leurs enfants et ces derniers sont socialisés et ont des amis. L’interdire revient à retirer une part de leur responsabilité parentale à laquelle ils se dévouent corps et âmes, par amour. Si l’intérêt de l’enfant est votre priorité, vous pouvez vous rassurer avec les enfants en IEF. Loin de moi, l’idée de nier des dérives possibles, mais des lois existent déjà pour ces exceptions. Et de nouveau, l’école n’est pas exempte de ces exceptions non plus. Nous sommes des parents capables et légitimes pour décider en priorité de l’éducation que reçoivent nos enfants, comme le conçoit la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, la Constitution, le Code Civil… Nous ne sommes pas défaillants.
Le Président et son gouvernement font le choix d’une loi liberticide pour scolariser des enfants qui sont déjà dans le système. C’est un choix politique irrationnel et sans fondement. Cette loi ne changera rien au problème, bien au contraire, elle l’exacerbera. Les enfants en dehors des radars seront plus nombreux et ne pourront plus être repérés lors des contrôles.
Vous avez donc entre les mains, la vie d’enfants qui ne sont pas les vôtres, qui ont des parents respectueux de la République et qui sont totalement insérés dans la société. Je vous en prie, ne privez pas ces enfants du droit merveilleux de pouvoir apprendre dans la joie, par curiosité naturelle dans un cadre rassurant et ouvert au monde. Tous ces enfants ne sont pas en danger, bien au contraire. Ils sont heureux d’apprendre la vie ! Demandez-leur.
Ne pas respecter cette liberté de choix d’éducation, c’est refuser la différence. C’est faire le jeu de ceux qui veulent nous diviser. C’est devenir comme eux.
Avec mes respectueux hommages, je vous prie d’agréer, Madame la députée, Monsieur le député, l’expression de ma considération la plus distinguée.
Pauline Bichet,
Citoyenne et mère de famille
👉 Lire le premier billet d’humeur de Pauline Bichet publié sur notre site :
👉 En rappel notre conférence sur l’éducation sans école que nous avions filmée :
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