Mesures individuelles de quarantaine et d’isolement : Martine Wonner dénonce l’article 4 du projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire
Pendant les débats concernant le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire qui a été finalement adopté par le Parlement le 12 mai 2021 malgré une première fronde des députés, la députée et psychiatre Martine Wonner s’est montrée horrifiée en ce qui concerne les prérogatives de l’État en matière d’isolement des personnes en cas de quarantaine. Jusqu’à présent, selon elle, « la seule condition de maintenir pour des raisons sanitaires et dans l’intérêt des personnes dans des lieux contre leur volonté » relevait uniquement du domaine de la psychiatrie, « régentée de façon extrêmement stricte, avec surtout un juge des libertés, qui vient vérifier si les droits des personnes sont respectés. Or là, il n’y a nulle mention de ce processus de contrôle de la privation de liberté. »
◆ Des pouvoirs de contrôle renforcés
L’article 4 du projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire, qui vient modifier l’article L3131-15 du Code de Santé publique, donne le pouvoir à l’État pendant un état d’urgence sanitaire de déterminer le lieu de mise en application de la quarantaine si celui choisi par une personne ne le satisfait pas.
« Le représentant de l’Etat peut s’opposer au choix du lieu retenu par l’intéressé s’il apparaît que ce lieu ne répond pas aux exigences visant à garantir l’effectivité de la mesure de placement en quarantaine ou en isolement et à permettre le contrôle de son application. Dans ce cas, le représentant de l’Etat détermine le lieu de déroulement de la mesure. »
Le projet de loi détaille « l’utilité » de l’adoption d’une telle modification :
« Dans le contexte de la propagation, dans plusieurs pays, de variants faisant craindre un risque de transmissibilité accrue ou d’échappement vaccinal, l’article 4 renforce le régime de la quarantaine et de l’isolement en donnant au représentant de l’Etat, comme c’est déjà le cas outre‑mer, la possibilité de s’opposer au choix du lieu d’hébergement retenu par l’intéressé, s’il apparaît que ce lieu ne répond pas aux exigences visant à garantir l’effectivité de la mesure et à permettre son contrôle, et de déterminer, le cas échéant, un lieu d’hébergement.
Cet article apporte également des précisions relatives aux agents habilités à constater les infractions aux règles de police sanitaire, en y ajoutant les agents de douanes et en confortant l’habilitation accordée aux agents de la concurrence, consommation et répression des fraudes pour leur permettre de contrôler les prescriptions édictées en matière d’établissements recevant du public. »
◆ Les mêmes conditions qu’en psychiatrie, sans juge ni garde-fou ?
Du « jamais-vu », selon Martine Wonner, à la fois députée et psychiatre.
Martine Wonner souligne dans son intervention à l’Assemblée nationale qu’on est « face à une possibilité, pour les forces de l’ordre et la représentation de l’état, donc notamment les préfets, de décider de maintenir enfermées des personnes, sous prétexte que le lieu de quarantaine que ces personnes auraient choisi, ne satisferait pas certaines conditions. (…) Déjà, pour commencer ces conditions n’ont jamais été discutées et n’ont pas été définies. Ces conditions n’étant pas satisfaisantes, les personnes seraient obligées de faire leur quarantaine dans des lieux d’isolement, qui, là aussi, n’ont jamais été discutés, ou n’ont jamais été définis. Elle rappelle que « la seule condition de maintenir pour des raisons sanitaires et dans l’intérêt des personnes dans des lieux contre leur volonté, c’est bien dans le domaine de la psychiatrie, mais tout cela est régenté de façon extrêmement stricte, avec surtout un juge des libertés, qui vient vérifier si les droits des personnes sont respectés. Or là, il n’y a nulle mention de ce processus de contrôle de la privation de liberté. »
Une des solutions pour Martine Wonner de garantir nos libertés fondamentales ? S’opposer fermement à cet article, qui vient porter atteinte au droit des personnes et à l’État de droit. Et que ses collègues députés entendent qu’on « empiète complètement les droits humains ». Mais l’intervention de Martine Wonner n’a rien empêché, puisque le projet de loi a bel et bien été adopté.
◆ Une perte de libertés progressive
L’article 3131-15 du Code de la Santé Publique concerné par l’article 4, qui avait été déjà modifié le 9 juillet 2020 par la Loi n°2020-856, et qui donnait déjà les pleins pouvoirs au Premier Ministre, en cas d’état d’urgence sanitaire, disait déjà dans ses quatre premiers articles :
« I.-Dans les circonscriptions territoriales où l’état d’urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique :
1° Réglementer ou interdire la circulation des personnes et des véhicules et réglementer l’accès aux moyens de transport et les conditions de leur usage ;
2° Interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé ;
3° Ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine, au sens de l’article 1er du règlement sanitaire international de 2005, des personnes susceptibles d’être affectées ;
4° Ordonner des mesures de placement et de maintien en isolement, au sens du même article 1er, à leur domicile ou tout autre lieu d’hébergement adapté, des personnes affectées ; »
◆ Une méthode gouvernementale déjà éprouvée
Cela n’est pas le premier coup de Trafalgar du gouvernement qui a déjà sorti la carte de la seconde délibération en urgence, lorsque la première n’a pas abouti à ce qu’il attendait. Ni la première fois que Martine Wonner s’insurge contre cette façon de faire. Au mois de décembre 2020, le gouvernement était déjà passé outre le premier vote du Parlement au sujet de la fin de l’état d’urgence et des conditions de prolongation du confinement. (Lire notre article à ce sujet)
L’état d’urgence sanitaire devait finir le 2 juin 2021. Selon le quotidien du droit Dalloz, « le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire met en place (…) un régime qui comporte de nombreux traits communs avec l’état d’urgence sanitaire. Il prévoit d’ailleurs que le gouvernement pourrait le rétablir dans certaines zones, l’intervention du Parlement n’étant requise qu’au bout de deux mois si moins de 10 % de la population est concernée. » Prévu à la base jusqu’à fin octobre, c’est fin septembre que devrait se terminer finalement cet état de transition sanitaire, si le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire était également validé par le Sénat le 18 mai.
Si les députés et citoyens étaient plus nombreux à adopter la même posture que Mme Wonner, le gouvernement se sentirait-il aussi libre de bafouer les nôtres ?
👉 Lire notre article sur la première délibération du projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire
👉 Lire notre article sur la deuxième délibération
Martine Wonner, députée du Bas-Rhin depuis 2017, ex-LREM, a déjà fait les frais de l’autoritarisme de la macronie. Elle avait été exclue du groupe parlementaire en mai 2020 suite à son vote contre le plan de déconfinement. Une liberté qui est mal passée. Elle a depuis dénoncé au micro de Nexus, dans deux interviews long format, cette dérive liberticide du gouvernement depuis le Covid-19.
👉 Voir nos deux interviews avec Martine Wonner.
– Celle du 14 avril 2021 :
– Celle du 20 janvier 2021
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