Vaccin contre la variole du singe : notre échange avec Bavarian Nordic, le fabricant, laisse subsister des zones d’ombre
Au départ créé pour prévenir la variole, le vaccin Imvanex (appelé aussi Jynneos et Imvamune) est pourtant aujourd’hui utilisé contre le virus de la variole du singe à l’échelle internationale. Nous avons contacté Bavarian Nordic, le laboratoire qui le fabrique, pour en savoir plus sur les caractéristiques de ce produit et notamment sur sa sécurité et son efficacité. Ce sont parfois des réponses très troublantes que nous avons obtenues dont nous avons fait un résumé plutôt stupéfiant.
Face à l’effervescence vaccinale presque immédiate provoquée par l’apparition de la variole du singe dans plusieurs pays occidentaux, nous nous sommes demandé ce qui permettait aux autorités du monde entier de l’autoriser et de le recommander.
◆ Notre échange avec le laboratoire
Nexus : Nous aimerions un lien vers l’étude qui permet d’affirmer que l’Imvanex et le Jynneos sont tous les deux « efficaces à environ 85 % pour prévenir le monkeypox » ?
Les études sur les animaux ont montré une efficacité de 100 % contre le monkeypox. Les « 85 % de protection » proviennent d’une étude au Congo qui n’a pas été conçue comme une étude d’efficacité.
(Commentaire Nexus : notons que l’étude date de 1988 et n’a pas été réalisée à partir du vaccin Imvanex qui n’existait pas à l’époque)
Pourquoi avez-vous créé Jynneos en 2019, une sorte d’autre version d’Imvanex et pourquoi avez-vous ajouté la variole du singe dans l’autorisation de mise sur le marché ?
Jynneos a été développé en tant que vaccin non réplicatif plus sûr que les vaccins de 1re et 2e génération qui sont utilisés dans le monde entier qui ont des effets secondaires importants et qui sont accompagnés avertissement annonçant la mort.
Jynneos est la marque américaine, Imvanex l’européenne et Imvamune la canadienne. Il s’agit du même vaccin.
Commentaire : IMVANEX dans l’UE et IMVAMUNE au Canada ont tous deux été initialement homologués (pour la variole) en 2013. JYNNEOS aux États-Unis en 2019, c’était la première fois que le monkeypox faisait partie de l’approbation. Entre-temps, le Canada a étendu la licence pour inclure le monkeypox (en 2020) et d’autres infections à orthopoxvirus.
(Commentaire Nexus : au moment de cet entretien, l’autorisation européenne n’avait pas été donnée pour utiliser l’Imvanex contre la variole du singe, mais fin juillet 2022, l’UE l’a approuvé.)
Vous nous dites donc que l’étude qui prétend qu’Imvanex/Imvamune/Jynneos sont tous « au moins 85 % efficaces dans la prévention de la variole du singe » réalisée en 1988 au Congo n’a pas été conçue comme une étude d’efficacité. Vous me parlez également d’une efficacité de 100 % chez les animaux uniquement.
Quelle preuve scientifique avez-vous donc que l’Imvanex/Imvamune/Jynneos est efficace contre la variole du singe chez l’homme ? Quels arguments scientifiques justifient l’inclusion du monkeypox dans l’autorisation de mise sur le marché de Jynneos en 2019 et permettent de recommander ce vaccin sur la base de ces études ?
Le chiffre de 85 % d’efficacité des vaccins antivarioliques contre le monkeypox est basé sur cette seule recherche des années 1980 (Jezek et al., 1988). Pourtant, ce chiffre est très fréquemment cité par de nombreuses agences de santé publique, dont l’OMS et les CDC.
Il a été évalué lors d’une épidémie de monkeypox humaine dans l’ancien Zaïre, aujourd’hui République démocratique du Congo. Les chercheurs ont analysé les taux d’attaque secondaire (nombre d’infections par rapport au nombre de contacts confirmés de personnes avec des patients atteints de variole du singe). Ces taux d’attaque secondaire étaient réduits de 85 % chez les personnes préalablement vaccinées contre la variole par rapport aux personnes non vaccinées. Les vaccinations effectuées à l’époque remontaient à quelques années (n’oubliez pas qu’elles ont été réalisées dans les années 1980, après l’arrêt des vaccinations antivarioliques), et il s’agissait presque certainement à l’époque d’anciens vaccins réplicatifs contre la vaccine.
En ce qui concerne spécifiquement IMVANEX/IMVAMUNE/JYNNEOS, nous avons réalisé un certain nombre de modèles de provocation chez l’animal avec diverses expositions à l’orthopoxvirus. En fonction de la voie et de la dose de provocation, ainsi que de la dose et du calendrier de vaccination, l’efficacité protectrice était de l’ordre de 80 à 100 %, contre 0 à 40 % pour les animaux témoins (voir l’extrait des informations de prescription de JYNNEOS aux États-Unis).
Avez-vous un lien vers l’étude d’efficacité réalisée sur des animaux, s’il vous plaît ? Nous souhaiterions savoir quand elle a été réalisée, où, sur combien d’animaux, sur quel type d’animaux, par qui et dans quelles conditions.
Toutes ces informations ont été soumises à la FDA avec le dossier réglementaire. Vous trouverez des informations détaillées à ce sujet sur la page web de la FDA : https://www.fda.gov/media/131869/download
Ce lien mène à un fichier zip contenant les commentaires des examinateurs de la FDA sur notre dossier. Dans le fichier intitulé « CMC Review Memo, July 22, 2019 – JYNNEOS.pdf », vous trouverez des aperçus sous forme de tableaux des études d’efficacité protectrice chez l’animal, notamment la conception, l’immunogénicité, les résultats de morbidité et de mortalité. Cela inclut également les informations sur les espèces ainsi que les données sur les doses de vaccination et les voies et doses de provocation.
Êtes-vous sûr que le virus de la variole du singe qui se propage est le même que celui qui a été étudié au Congo en 1988 ?
Bien qu’il s’agisse de la même espèce de virus, nous sommes plutôt certains qu’il ne s’agit pas du même clade.
Il existe deux clades de virus de la variole du singe, celui d’Afrique centrale et celui d’Afrique de l’Ouest. Alors que le clade centrafricain est prédominant en RDC (République démocratique du Congo), le clade ouest-africain est prédominant au Nigeria. Les séquences génomiques des cas humains de monkeypox qui se propagent actuellement dans les pays non endémiques pointent clairement vers le clade ouest-africain.
Quand et pourquoi avez-vous eu l’idée de développer un vaccin contre la variole du singe il y a quelques années ?
La variole du singe est endémique en Afrique et, en tant que leader dans le domaine des vaccins contre les maladies infectieuses, nous avons vu l’option d’ajouter l’indication de la variole du singe à l’Imvanex lorsqu’il a été approuvé en 2019.
Pourquoi n’avez-vous pas pensé avant Jynneos à inclure le monkeypox dans l’autorisation de mise sur le marché de l’Imvanex ou de l’Imvamune ? La « maladie endémique » n’est pas nouvelle en Afrique.
Nous y avons effectivement pensé, mais nous n’avions aucune donnée humaine à l’époque. En 2017, les CDC ont commencé leur étude chez les travailleurs de la santé en RDC avec notre vaccin. Nous étions impliqués dans les préparatifs de cette étude depuis 2015 et étions bien conscients de la situation en Afrique. Notre vaccin a été utilisé dans plusieurs cas chez les voyageurs nigérians depuis 2018.
La composition de Jynneos, Imvanex et Imvamune est-elle exactement identique dans les trois cas ? Nous avons lu que le délai d’utilisation après décongélation n’est pas le même pour Jynneos et pour Imvanex (12 heures pour Jynneos et 8 semaines pour Imvanex).
Je peux confirmer que la composition de Jynneos, Imvanex et Imvamune est exactement la même.
Les différences dans les conditions de stabilité approuvées sont dues soit à des besoins/intérêts différents du marché, soit à des exigences différentes des agences.
Pourquoi le Jynneos a-t-il été approuvé si tard aux États-Unis alors que ce sont les États-Unis qui ont financé le développement du vaccin Imvanex au début des années 2000 ?
Il s’agit d’une question purement réglementaire. Lors de nos discussions avec la FDA sur la voie à suivre pour l’homologation, nous avions convenu que l’approbation américaine serait basée sur une étude de non-infériorité. (Précisions Nexus : c’est-à-dire que ce vaccin non répliqué devrait, pour être approuvé, se montrer non moins efficace que le précédent, et pas moins non plus, mais éventuellement plus sûr ou plus facile d’utilisation ou de conservation, en comparaison directe avec un vaccin antivariolique répliqué.)
Cette étude a été réalisée après les approbations UE/CAN, et le dossier réglementaire pour la FDA a été rédigé et soumis après l’achèvement de cette étude (Pittman et al. 2019, doi : 10.1056/NEJMoa1817307). Nous avions également un EUA (autorisation d’utilisation d’urgence) depuis de nombreuses années auparavant.
Des études sont-elles actuellement menées pour mesurer l’efficacité du vaccin Jynneos/Imvanex/Imvamune ? Si oui, pouvez-vous me fournir un lien vers cette ou ces études ?
Les deux études dont nous avons actuellement connaissance sont l’étude des CDC sur les travailleurs de la santé en RDC et l’étude sérologique britannique sur les personnes vaccinées dans le cadre des vaccinations en anneau depuis 2018. Voir clinicaltrials.gov, sous les numéros suivants : NCT03745131 et NCT02977715.
Actuellement, de nombreuses agences de santé publique mettent en place des programmes de vaccination locaux. BN est en contact avec eux pour déterminer si et comment des études observationnelles de l’efficacité en situation réelle peuvent être mises en œuvre dans ce contexte.
À ce jour, aucun protocole définitif n’est encore disponible.
(Précisions Nexus : après avoir contacté l’un de ses directeurs de recherche, nous avons appris que l’étude n’a été réalisée que sur 120 personnes qui ont reçu une seule dose et qu’elle n’a pas encore de conclusion. La date de fin en 2019 indiquée sur l’étude est fausse et n’a pas été mise à jour : elle est censée se terminer en 2024 et est en attente d’autorisation pour poursuivre le protocole. Aucune donnée n’est à ce jour disponible concernant la première dose. Les essais ne sont donc pas terminés.
Les essais de la seconde étude portant sur 1 600 travailleurs de santé sont censés se terminer en août 2022 et ne sont pas encore finis. Le seul chercheur dont nous avons trouvé les coordonnées et que nous avons contacté ne nous a pas répondu.
Mise à jour le 19 août 2024 : cette dernière étude ne sera pas finalement pas terminée avant décembre 2025 :
Est-ce que l’Imvanex ou l’Imvamune avaient déjà été vendus aux États-Unis avant que Jynneos ait été approuvé ? Si oui, quand était-ce la première fois ?
Oui, IMVAMUNE avait ét enregistré (pas entièrement approuvé) sous pré-EUA (autorisation d’utilisation d’urgence) aux États-Unis, et faisait partie du stock national stratégique depuis… ?
(Commentaire Nexus : Ce document de Fiercepharma contient l’information que Bavarian Nordic n’a pas pu nous donner : l’année 2007. D’après ce document, le contrat initial pour acheter Imvanex remonte à cette année-là.)
Lire notre article du 2 juin 2022 :
Au moment de la création d’Imvanex, avez-vous des études sur les êtres humains pour évaluer la sécurité du vaccin, ou uniquement sur les animaux ? Liens vers cette ou ces études ?
En ce qui concerne la question des données sur la sécurité humaine, oui, nous l’avons fait. Au total, jusqu’à présent, nous avons réalisé 23 essais complets avec plus de 9 000 sujets dosés. Si l’on inclut les essais en cours, on arrive à environ 10 500 sujets dosés. Cela est mentionné par exemple dans l’étiquette FDA de Jynneos. L’essai de sécurité le plus important est publié : Overton 2018.
Voici l’article d’Overton 2018, portant sur 3 003 sujets de la base de données de sécurité.
Et voici l’article de Volkmann de 2021, qui résume l’expérience en matière de sécurité avec la MVA-BN ainsi que l’expérience vectorielle basée sur la MVA-BN.
◆ Traduction abrégée de ce qui nous a été dit
Si on faisait un résumé de ce qui nous a été dit, cela donnerait ceci : une étude de 1988, qui n’était pas une étude d’efficacité et qui a été réalisée à partir d’un vaccin d’une autre génération (réplicatif) que l’Imvanex (non réplicatif) qui n’existait même pas à l’époque, sert de référence aux médias du monde entier et aux institutions pour affirmer que l’Imvanex est efficace à 85 % pour prévenir la variole du singe, alors même que le clade de virus étudié à l’époque n’était pas le même que celui qui circule aujourd’hui.
Une seule étude d’efficacité a été réalisée et finalisée… sur des animaux !
Il n’existe pas de vaccin spécifique contre la variole du singe, mais le vaccin Jynneos aux États-Unis (aussi appelé Imvamune au Canada et Imvanex en Europe) initialement créé pour lutter contre la variole est aujourd’hui recommandé contre la variole du singe.
C’est une utilisation qui a été ajoutée dans l’autorisation de mise sur le marché américaine de Jynneos en 2019, de l’Imvamune au Canada en 2020 et de l’Imvanex en Europe en juillet 2022.
Un même vaccin peut avoir plusieurs noms, et avoir des autorisations de mise sur le marché à des dates différentes selon le lieu géographique.
On adapte certaines données concernant l’utilisation d’un vaccin en fonction des attentes du marché et des agences nationales, et un même produit peut avoir plusieurs notices.
Ce vaccin antivariolique a été acheté il y a plus de vingt ans à hauteur de plusieurs millions de doses aux États-Unis et n’a obtenu son approbation dans ce pays qu’en 2019. Au passage, précisons que Fauci et les NIH ont financé les recherches.
Toutes les données sur la sécurité humaine ne sont pas publiées et, quand on le regarde d’un peu plus près, on se rend compte que le résumé qui nous a été communiqué à ce sujet a été rédigé notamment par des employés du laboratoire même…
Nous n’avons pas obtenu toutes les réponses à nos questions.
◆ Des questions qui subsistent
Ces réponses ont soulevé de multiples autres questions que nous avons posées à Bavarian Nordic, qui ne nous répond plus depuis quelques semaines, peut-être lassé par notre exigeante et insatiable demande de précisions.
Est-ce que l’Imvanex est efficace contre tous les types de clades de la variole du singe ?
Affirmer qu’un vaccin de troisième génération non réplicatif comme l’Imvanex est aussi efficace qu’un vaccin plus ancien de type réplicatif est-il seulement une supposition ?
Y a-t-il eu des études de sécurité réalisées avant l’Overton 2018, puisque les autorisations de mise sur le marché ont été accordées avant cette date à l’Imvanex et l’Imvamune ?
S’il y a eu achat de plusieurs millions de doses par le gouvernement américain de l’Imvamune en 2007, des études sur la sécurité avaient dû être effectuées à ce moment-là. Lesquelles ?
Aujourd’hui, peut-on affirmer qu’il y a moins de risques à avoir un effet secondaire suite à la vaccination avec l’Imvanex que d’attraper la variole du singe et avoir des conséquences graves suite à la maladie ? À partir de quelles données scientifiques peut-on répondre à cette question ?
La vaccination mondiale a commencé, et il n’y a pourtant aucune étude à grande échelle pour surveiller les effets secondaires et évaluer l’efficacité du vaccin Jynneos/Imvanex sur les humains. Les personnes vaccinées n’en sont pas automatiquement informées. Peut-on donc parler de vaccination expérimentale à l’heure actuelle, administrée sans le consentement éclairé des personnes vaccinées ? Les personnes injectées vont-elles être suivies comme dans le cadre d’une étude officielle ? Si la réponse est non, comment pourrait-on qualifier ces injections dans ces conditions ?
Un article par Estelle Brattesani
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