L’automne : le meilleur moment pour planter des arbres
Le 25 novembre, c’est la Sainte-Catherine, et comme le dit le proverbe, ce jour-là, « tout bois prend racine ». L’occasion de planter les arbres de demain.
Nous avions déjà assisté à deux ateliers de Nathalie Ranjon, paysagiste pratiquant la permaculture : l’un sur les plantes comestibles et médicinales, l’autre sur les semis et les boutures. Cette fois, elle nous a expliqué quand et comment planter des arbres.
◆ Le moment idéal pour planter ?
Dès la chute des feuilles des arbres, lorsque la sève des végétaux est descendue. C’est possible ensuite jusqu’à fin mars.
Selon Nathalie, il est préférable de planter à l’automne. Les arbres peuvent ainsi bénéficier d’un sol humide ou l’activité du sol est encore présente, ce qui est bénéfique à l’installation de l’arbre.
Cela donnera des arbres plus vigoureux que ceux plantés au printemps, qui auront plus de mal à se développer en cas de sécheresse estivale.
◆ La greffe, une méthode ancestrale
Les arbres les plus communs sont greffés depuis des siècles. La greffe consiste à implanter dans un porte-greffe un greffon prélevé sur un autre arbre. Un porte-greffe est un arbre bien souvent issu d’une variété d’arbres fruitiers sélectionnée et de la même famille botanique que la variété greffée. Un greffon est le fragment d’un autre arbre fruitier qui va comporter quelques bourgeons. Ainsi, le greffon va s’unir avec son nouveau support et continuer son développement. Le porte-greffe alimentera en eau et en sels minéraux le greffon qui, lui, fournira les fruits.
Notons que tous les arbres n’ont pas besoin d’être greffés, comme les pêchers et les nectariniers, qui pourront pousser à partir d’un noyau.
Soit on peut opter pour apprendre à greffer nos arbres, ce qui demande certaines connaissances et un savoir-faire technique, soit on peut acheter les arbres déjà greffés chez un pépiniériste.
◆ Choisir notre porte-greffe en fonction de la taille voulue de nos arbres
Selon la nature et la vigueur du porte-greffe, la greffe nous permettra de choisir la variété de fruits que nous obtiendrons ainsi que la taille de l’arbre, contrairement à un semis de pépin ou de noyau qui donnera de manière générale une variété de fruit aléatoire.
Dans tous les cas, il est important de choisir un porte-greffe adapté à la texture de notre sol, à certaines maladies et à l’envergure de l’arbre finale souhaitée.
Les porte-greffes sont identifiés par des numéros ou des noms, selon leur variété et leur taille :
Prenons l’exemple d’un pommier : si on voulait obtenir un petit arbre de 1,5 à 4 m, on pourrait greffer la variété souhaitée sur un EM9. Pour un arbre moyen de 3 à 4 m, sur un EM26. Un M111 ou un M106 sera utilisé pour un arbre de vigueur moyenne à forte qui mesurera entre 5 et 7 m. Et pour un grand arbre de 8 à 10 m, on devra greffer sur un porte-greffe appelé « franc ».
Nathalie en profite pour évoquer le porte-greffe M116 qui a le même développement que le M106, mais qui résiste mieux à la sécheresse, qualité utile actuellement. « Le problème, c’est qu’il est très demandé et qu’il n’y en a pas assez pour tout le monde. »
◆ Taille, longévité et productivité
Plus un arbre est grand, plus il mettra du temps à se développer et à donner des fruits, mais plus il vivra longtemps et produira des fruits en quantité.
Nathalie prend l’exemple d’un pommier de vigueur forte greffé sur un franc, qui mettra près de 10 ans à atteindre sa taille maximale de près de 10 m et qui pourra donner 300 kg de pommes annuels, alors qu’un pommier de taille moyenne greffé sur un EM26 entre 3 et 4 m donnera dix fois moins de fruits, mais au bout de 3 ou 4 ans seulement.
◆ Choisir la taille de ses arbres en fonction de leur emplacement
Selon la taille choisie des arbres, on pourra déterminer de combien de mètres les espacer. Plus un arbre est grand, plus il va avoir besoin de place autour de lui pour se déployer. Si on veut allier les arbres avec de la petite plante, du légume ou autre au sein d’un potager, il vaudra mieux opter pour des arbres nanifiants. Idem le long d’un mur où on pourra palisser les arbres et les mettre en espalier.
Nathalie nous raconte que les maraîchers de Paris utilisaient beaucoup de petits arbres : ils avaient construit des murs, bien orientés, pour que les fruitiers puissent mûrir assez rapidement et être protégés des gelées. Quand on a un mur chez soi, quand et qu’il est orienté plein sud, ça peut aussi être une idée d’y mettre de petits arbres en espaliers.
Si notre terrain le permet, « on peut mettre plusieurs types d’arbres, du petit en espalier au grand arbre qui donnera des fruits dans plusieurs années ». Même si la fructification est plus tardive, planter de grands arbres favorisera celle-ci : « C’est le type d’arbres qu’on voit sur les bas-côtés des routes. Ce sont nos anciens qui les ont plantés, on en bénéficie maintenant. On coupe des haies à tout-va, le fait de remettre du comestible dans des limites de propriété, ça peut être super-intéressant pour les générations à venir. »
◆ Planter de la diversité qui attire les insectes pollinisateurs
On peut avoir plein de fleurs sur nos arbres, mais s’il n’y a pas de pollinisateurs, la fleur ne va pas se transformer en fruit, contrairement à un arbre autofertile.
Plus on a d’arbres en fleur, plus ça attire les insectes, les abeilles notamment. Plus il y a de pollinisateurs qui promènent le pollen (mâle) jusqu’au pistil des fleurs autour (femelle), plus il y aura fécondation et de fleurs qui deviendront des fruits. Cela peut se produire avec le vent, mais c’est beaucoup plus efficace avec les insectes. En arboriculture, on plante parmi les arbres fruitiers d’autres essences qui fleurissent en même temps et attirent les insectes pollinisateurs.
Il y a des espèces qui sont autofertiles, comme le pêcher. Les pommiers, poiriers, cerisiers, pruniers aiment quant à eux avoir un ou des comparses près d’eux pour qu’il y ait pollinisation croisée. Il est donc conseillé de planter plusieurs arbres non loin les uns des autres, mais la pollinisation peut également se faire avec les arbres du voisinage.
Plus il y a pollinisation croisée, plus la fructification sera abondante, d’où l’importance d’attirer les pollinisateurs.
👉 Voir le guide des arbres fruitiers pollinateurs
◆ Planter en fonction du sol
Les arbres à fruits à noyau n’apprécient pas les sols trop argileux, qui gardent l’eau et sont assez humides au printemps. Ils vont être sensibles à des champignons par exemple, contrairement aux arbres à pépins. Nous apprenons avec Nathalie que si on a un terrain qui est vraiment très argileux et humide, il vaut mieux préférer du poirier ou du pommier. Que si on a un terrain qui est plutôt sableux, limoneux, donc un sol filtrant, tout ce qui est à noyaux poussera mieux.
◆ L’emplacement : l’ensoleillement et le vent
Le besoin en soleil va varier en fonction du type d’arbres que nous avons, mais l’idée, c’est qu’ils aient quand même du soleil pour que la fructification puisse se faire et arrive à maturité. « Pour les fruits à noyau, plus ils auront du soleil, mieux ça sera, mais sans aller jusqu’à apprécier les canicules. Avec le changement climatique, on navigue à vue. L’ombre n’est donc pas à négliger. »
Concernant le vent, lorsque l’arbre a besoin d’un tuteur, ce dernier doit toujours être placé du côté des vents dominants. « Dans notre région, les vents dominants sont de l’ouest ou du sud-ouest, donc je mets le tuteur devant l’arbre côté sud-ouest », détaille Nathalie.
◆ Les variétés tardives pour traverser les gelées
Les variétés d’arbres tardives sont celles qui vont fleurir à partir de mi-avril ou fin avril, par exemple la pomme appelée Belle fille de la Creuse, qui date du XVIIe siècle, ou encore la Belle de Boskoop. Plus la floraison est tardive, plus la récolte sera tardive. On observe depuis plusieurs années des températures qui deviennent très douces juste avant les gelées de mars et d’avril, ce qui est catastrophique pour les fruits. La température trop élevée pour la saison réveille l’arbre qui se met à fleurir trop tôt.
La fleur supporte des températures jusqu’à –2° minimum. Si l’arbre est en fleur et qu’il fait –6°, il y a de fortes chances qu’elle ne tienne pas le coup et ne puisse pas se transformer en fruit. Il existe des voiles d’hivernage pour protéger les arbres (à condition que ces derniers soient petits et puissent être entièrement recouverts) qui peuvent faire gagner 2 °C par voile, mais cela ne suffit pas toujours pour empêcher les fleurs d’être brûlées par le froid.
Malgré tout, Nathalie ne conseille pas de planter uniquement des variétés tardives, pour pouvoir perpétuer des espèces variées et parce qu’il n’est pas dit que ces épisodes douceur puis gelées auront lieu chaque année.
Nathalie nous explique que certaines personnes ont fait des préparations avec de l’aspirine dont la molécule protégerait la fleur. Le lierre qui grimpe aux arbres aussi. Elle a donc essayé une macération lierre et aspirine, mais elle ne peut pas garantir si c’est grâce à ça qu’elle a sauvé quelques fruits l’année dernière malgré les fortes gelées.
◆ Planter des arbres dans un potager
L’avantage d’associer des arbres, des légumes et des plantes aromatiques dans un potager ?
Les plantes aromatiques aident les fruitiers, car elles attirent les pollinisateurs ou les auxiliaires du jardin comme la coccinelle, qui mangeront les pucerons pouvant attaquer les fruitiers. Elles peuvent agir comme des répulsifs aussi et dégager une odeur qui va éloigner certains insectes ravageurs. Par exemple, la santoline peut éloigner la mouche de la pomme. Certains ont essayé des framboisiers.
Les arbres, par la portée de leur ombrage en plein été quand il fait très chaud, peuvent aider les légumes d’une manière qui n’est pas négligeable. « Si tu vises un système autonome, les feuilles qui tombent du pommier enrichissent le sol et apportent de la biomasse. Le système racinaire crée un système de connexions avec les mycorhizes. À condition de choisir les bons arbres avec les bons porte-greffes et la bonne distance entre eux », nous explique Nathalie.
Précisions : lorsqu’ils sont disposés aux côtés de légumes, mieux vaut que les racines des arbres et des légumes ne se fassent pas concurrence et que les branches, tout en restant protectrices en cas de très forte chaleur, ne fassent pas trop d’ombre non plus. Il vaut mieux donc choisir des arbres qui ne fassent pas plus de 3 ou 4 mètres de haut, avec des porte-greffes qui seront de type M9 ou M26 et qui seront espacés de 3 ou 4 mètres également.
◆ Un peu d’esthétisme utile
Nathalie a aussi choisi de planter de la rose de Damas, pour la beauté des yeux, mais aussi pour ses vertus médicinales. Le rosier peut aussi indiquer, planté non loin des vignes, si une maladie est en train de circuler. Si le rosier attrape l’oïdium, cela permet d’anticiper et de traiter les arbres de manière préventive. On sait alors qu’il y a ce champignons dans l’air : le rosier étant plus sensible à cette maladie est un bon indicateur. De plus, il attire les insectes pollinisateurs.
◆ Des arbres et plantes qui végètent
Il arrive que des végétaux et des arbres plantés ne se développent pas. Des racines chignonnées et qui n’arrivent pas à se déployer peuvent en être la cause. Ça peut être le cas pour des arbres qui ont traîné en pépinière. Solution : éviter de vous procurer ce type d’arbres, mais si vous en avez et que vous décidez de les replanter, avant de le faire, démêler les racines au maximum, en couper parfois un peu et décompacter le tas de terre dans lequel elles se trouvent.
◆ Passer à la pratique : la préparation du sol
Six mois avant de planter, on peut piqueter les endroits où on imagine des arbres et préparer le terrain avec du compost, du carton, des feuilles d’arbres, du foin, de la paille, de la tonte de gazon, etc., qui vont se désagréger. Les trous de plantation se feront ainsi plus facilement dans un sol bien nourri.
On peut aussi planter de l’engrais vert type phacélie au mois de septembre, qu’on bâchera au mois de mars pour qu’elle cesse de pousser, qu’elle se décompose et qu’elle nourrisse le sol, puis on plantera à cet endroit les légumes du mois de mai-juin.
◆ Le trou
Certains préfèrent préparer le trou avant la plantation, notamment pour laisser au sol le temps de s’ameublir. Nathalie n’est pas partisane de cette méthode : il peut arriver qu’il y ait de grosses pluies qui remplissent les trous. De plus, elle n’a pas noté de différence de développement entre les arbres plantés dans des trous creusés au préalable ou le jour même.
Concrètement, il faut faire un trou plus large et plus profond que la motte de terre dans laquelle est implanté l’arbre. Nathalie y ajoute un peu de terreau de forêt avec mycélium prélevé au pied de grands arbres, comme les chênes, pour faciliter la connexion entre la motte et le sol. Mais aussi du crottin d’âne composté, par exemple.
◆ La plantation
Attention à laisser le collet de l’arbre apparent, qui est la limite entre le système racinaire et le tronc, situé sous le point de greffe si l’arbre a été greffé. Il ne doit être ni trop enterré, ni trop à l’extérieur par rapport au sol fini. On peut utiliser un bâton pour déterminer la hauteur idéale.
Nathalie préconise de mettre un tuteur à ce moment-là s’il en faut un, pour éviter de le placer une fois l’arbre planté et de prendre le risque d’endommager les racines. Arroser avant de reboucher le trou. On peut également recouvrir de feuilles le pied de l’arbre une fois planté.
Le tuteur sera retiré 2 ans après la plantation environ. Penser à desserrer les liens pour que l’arbre n’étouffe pas. Arroser en abondance à la plantation afin de tasser et mettre les particules de terre en contact avec les racines. Prévoir une protection de vos troncs contre les cervidés ou lapins pouvant occasionner des dégâts.Pas de taille à la plantation, seulement les racines ou branches endommagées. La taille de formation débutera un an après la plantation.
👉 Pour découvrir le jardin et l’assocation de Nathalie Ranjon, c’est ici : http://www.aujardindesharmonies.fr/
Nous remercions infiniment Nathalie Ranjon pour le partage généreux et si précieux de ses connaissances.
Article par Estelle Brattesani
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