Réseaux sociaux : au nom de la sécurité, le gouvernement projette de les contrôler
Emmanuel Macron a évoqué la possibilité de réguler, voire de couper les réseaux sociaux « quand les choses s’emballent ». Si Olivier Véran a tenté ensuite de tempérer les propos du président, on peut se demander comment les évènements vont alimenter le projet de loi sur la cybersécurité actuellement en lecture devant l’Assemblée nationale et ce qui va advenir de nos libertés numériques, ainsi que de celles des médias.
◆ Un gouvernement qui veut « sécuriser » et « réguler » l’espace numérique
Face aux maires touchés par les émeutes avec qui il s’est entretenu à l’Élysée ce mardi 4 juillet 2023, le chef de l’État Emmanuel Macron a émis l’hypothèse d’une fermeture contrôlée des réseaux sociaux : « Il faut peut-être se mettre en situation de les réguler ou de les couper », « quand les choses s’emballent », a t-il déclaré, tout en demandant que ce débat se fasse à froid.
Une question cruciale se pose alors : les réseaux sociaux seront-ils désactivés pour calmer la situation lors de crises à venir ?
Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement a précisé le mercredi 5 juillet 2023, après la tenue du Conseil des ministres, qu’en plus d’avoir lancé un « appel ferme aux plateformes numériques » pour que « des contenus pouvant accentuer les violences soient retirés dans les meilleurs délais », le gouvernement envisage de suspendre certaines fonctionnalités des réseaux sociaux en cas de crise. Exemple : « La géolocalisation sur certaines plateformes, qui permettent de se retrouver à tel endroit ». Il a également annoncé la volonté de l’exécutif de rassembler des parlementaires de divers horizons politiques des deux assemblées, pour « envisager toute modification au projet de loi qui traite de la cybersécurité et de la régulation des outils numériques ».
◆ Une vive opposition générale
Ce projet suscite de nombreuses réactions d’opposition dans les milieux politiques, du Rassemblement national à La France insoumise, en passant par Les Républicains et les socialistes. Certains députés vont jusqu’à comparer ces pratiques à celles des régimes autoritaires. « Ok Kim Jong-un », a rétorqué par exemple avec une pointe d’ironie la présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale, Mathilde Panot, sur Twitter, en faisant une analogie avec le dictateur nord-coréen. Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste a quant à lui tweeté : « Le pays des droits de l’homme et des citoyens ne peut pas s’aligner sur les grandes démocraties chinoise, russe et iranienne. »
◆ Un projet de loi présenté en mai
Quelques semaines avant les émeutes, le gouvernement lançait un projet de loi visant à « sécuriser et réguler l’espace numérique ». Déposé le 10 mai 2023 devant le Sénat qui l’a adopté en première lecture le 5 juillet 2023, le projet de loi est passé en première lecture à l’Assemblée nationale le 6 juillet 2023. Ce projet vise notamment à « protéger les mineurs en ligne, lutter contre la désinformation et le cyberharcèlement, prévenir la cybercriminalité et protéger les entreprises françaises face aux géants du numérique. »
◆ Un projet franco-européen
Ce projet de loi français s’inscrit dans un contexte plus large de régulation numérique en Europe, notamment avec l’adoption par la Commission européenne du Digital Service Act (DSA) et du Digital Markets Act (DMA), qui « prévoient de limiter la domination économique des grandes plateformes et la diffusion en ligne de contenus et produits illicites ». Pour « mieux protéger les Européens », les obligations du DSA entreront en application dès le mois d’août 2023 pour les très grandes plateformes en ligne et les très grands moteurs de recherche, et le 17 février 2024 pour le reste. Le DMA, lui, a été mis en application dès le 2 mai 2023.
Le ministère de l’qu’ilsconomie français affirme sur son site que ces deux textes ont été créés « à l’instigation de la France », et qu’ils ont été une « opportunité » qu’il a saisie « pour adapter le droit national à ces règlements et pour renforcer la protection des citoyens en ligne. »
◆ « Protéger » et « bloquer » , pour lutter « contre la désinformation »
Il peut être rassurant de voir que le gouvernement français, à travers son projet de loi, déclare s’engager notamment pour « protéger les enfants de la pornographie en ligne », ou nous protéger contre les arnaques ou le harcèlement. En revanche, on peut s’interroger sur ses intentions lorsqu’il annonce, à l’instar des textes européens, vouloir lutter contre la « désinformation » : « Pour mieux se protéger contre la désinformation de médias étrangers frappés par des sanctions européennes (tels que Sputnik ou Russia Today France)”, l’Arcom pourra enjoindre à de nouveaux opérateurs de stopper sous 72 heures la diffusion sur internet d’une chaîne de “propagande” étrangère. En cas d’inexécution, elle pourra ordonner le blocage du site concerné et infliger une amende pouvant aller jusqu’à 4% du chiffre d’affaires de l’opérateur. » Qu’entend-il par « opérateur » ? Est-ce qu’un média comme Nexus qui relaierait le contenu d’une des chaînes étrangères citées s’il l’estime intéressant ou sujet à débat, pourra lui même être sanctionné ?
L’avant-goût de la censure que nous avons subie pendant la période Covid est toujours prégnant.
Rappelons que nos contenus évoquant une possible origine humaine du virus ont été supprimés de Facebook et de Youtube sous prétexte que ces théories ne respectaient pas ce que disait l’OMS. Cette hypothèse a été pourtant réhabilitée officiellement des mois plus tard. Lorsque le projet de sécuriser et réguler l’espace numérique deviendra loi, vont-ils faire de même lorsque nos informations contrediront la parole du gouvernement, même appuyées par des faits ?
Article par Estelle Brattesani et Jean Perron
👉 Lire notre dossier sur l’identité numérique dans notre numéro 146 (mai-juin 2023) :
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