Politique

Présidentielle US : Robert F. Kennedy Jr., l’outsider antisystème qui dérange

Rassemblant autour de lui les électeurs lassés du bipartisme américain, le candidat indépendant Robert F. Kennedy Jr. est devenu le troisième homme de la campagne présidentielle étasunienne. Bien qu’il ait peu de chances d’être élu, celui qui se revendique comme « antisystème » séduit des électeurs de gauche comme de droite et inquiète ses deux principaux adversaires.

◆ Plus de 10 % d’intentions de vote

Il pourrait être « l’élément perturbateur de l’élection présidentielle américaine de novembre », comme le présage Le Figaro dans un article du 23 avril dernier. Robert F. Kennedy Jr. se présente en tout cas comme le « candidat de la troisième voie ». Et avec plus de 10 % d’intentions de vote dans les sondages d’opinion, l’outsider indépendant pourrait effectivement semer le trouble dans le duel qui oppose Joe Biden et Donald Trump, en volant des voix aussi bien à l’un qu’à l’autre.

Car après avoir vainement tenté d’évincer l’actuel président américain à la primaire des démocrates, Robert F. Kennedy Jr. a décidé de s’affranchir des partis et de concourir seul. Il n’est désormais plus ni de droite ni de gauche, ni républicain ni démocrate, mais « antisystème » et anticorruption.

Bannière du compte X de Robert Kennedy Jr.

◆ Une personnalité clivante pour son camp

Fils de l’ancien ministre Robert Francis Kennedy (dit « Bobby ») et neveu de l’ancien président John Fitzgerald Kennedy, tous deux assassinés dans les années 1960, RFK Jr. est issu d’une famille historiquement ancrée à gauche. Mais ses prises de position clivantes et ses déclarations jugées conspirationnistes lui ont valu d’être renié à la fois par une partie de son clan et par une partie de son camp politique. « Robert F. Kennedy Jr. est le tenant de croyances ignobles, nauséabondes, racistes, fanatiques, antisémites, anti-gay, échafaudées sur des théories du complot », a ainsi déclaré sans nuances le démocrate Gerry Connolly, à la Chambre des représentants en juillet 2023, selon des propos rapportés par l’AFP et relayés par 20 Minutes. Des allégations niées par l’intéressé.

Ce n’est pas tout. Si l’on s’en tient à un article du Monde datant du 30 août 2021, « Bobby junior » a également eu le mauvais goût de faire entrer le nom des Kennedy dans la fange des plus grands « désinformateurs » antivax. Une ONG américano-britannique de lutte contre la haine et la désinformation sur les réseaux sociaux, le Center for Countering Digital Hate, l’a en effet classé numéro 2 dans la liste des douze personnalités américaines antivaccins les plus influentes dans le monde, en mars 2021. Une « gratification » que les bien-pensants jugent à l’évidence accablante.

⇒ Lire notre article du 27/04/2023 :

◆ Des partisans qui misent sur son indépendance

Défaut pour les uns, qualité pour les autres. Force est de constater que les reproches faits à l’encontre du subversif Robert Kennedy sont justement ce qui attire à lui de nombreux partisans, de droite comme de gauche. Plusieurs d’entre eux s’expriment dans un reportage réalisé lors d’un meeting du candidat indépendant à Oakland (Californie) en mars dernier et publié sur le site de Politico.

« L’indépendance acharnée de Kennedy vis-à-vis d’un système bipartite sclérosé est exactement ce dont le pays a besoin », affirme l’un d’entre eux, ancien électeur démocrate, aujourd’hui en désaccord avec ce qu’il considère être « une dérive de la gauche vers des politiques qu’il ne peut accepter », comme l’instauration d’une obligation vaccinale anti-Covid pour certaines professions. Une directive qui a failli lui coûter son travail.

◆ « C’est le seul espoir que nous ayons »

Selon Politico, RFK Jr. catalyse les espoirs des déçus de la politique : ceux qui se sentent trahis par les partis traditionnels, qui sont dégoûtés du système et pensent que « la racine des maux de l’Amérique » se situe dans la corruption des gouvernements. Ils se méfient des institutions et de tous les monopoles : Big Pharma, Big Agro, Big Tech… auxquels ils ajoutent ce que l’on pourrait nommer, dans un même registre, « Big Pol » et « Big Media ».

Convaincus de la droiture de cet avocat environnementaliste de 70 ans, qui a fondé le Children’s Health Defense et lutte depuis des décennies contre la pollution des rivières, le mercure dans les vaccins, les ravages du glyphosate sur la santé, ses supporters croient en sa capacité à remporter la victoire. « C’est le seul espoir que nous ayons », confie l’une d’elles au journaliste de Politico. Et Kennedy le sait. « Des millions d’Américains ne voteront pas du tout s’ils n’ont pas le choix. Ils se retireront tout simplement de la démocratie. Eh bien, Nicole et moi allons donner à ces millions un autre choix », a-t-il déclaré lors du meeting d’Oakland, après avoir dévoilé le nom de sa colistière, Nicole Shanahan, avocate, femme d’affaires, ex-épouse du cofondateur de Google Sergey Brin et ex-soutien financier du parti démocrate.

◆ « Il nous fait probablement mal à tous les deux », selon Donald Trump

En raison de son ancrage originel chez les libéraux, de nombreux observateurs estiment qu’il peut représenter un danger pour Joe Biden. « Je ne suis pas sûr que ce soit vrai et je pense qu’il nous fait probablement mal à tous les deux », a souligné pour sa part Donald Trump, au cours d’une interview radio rapportée par Le Figaro.

Un sondage NBC News d’avril 2024 confirme que RFK Jr. peut s’appuyer sur des électeurs des deux camps, avec cependant des notes plus élevées chez les conservateurs. D’ailleurs, plusieurs de ses grands donateurs privés viennent du bord républicain.

◆ Une chance infime d’être élu

Reste une difficulté majeure pour le candidat indépendant : récolter le nombre de signatures nécessaire pour accéder aux bulletins de vote dans chacun des États, selon la procédure électorale américaine.

Pour surmonter cet obstacle, Robert Kennedy avait un temps envisagé de rejoindre le Parti libertarien qui, en retour, aurait bénéficié de sa notoriété. Mais plusieurs points d’achoppement sont apparus entre eux, notamment la position pro-israélienne de RFK Jr.

C’est donc hors parti que le candidat antisystème poursuit sa route. Et même si ses chances de se frayer un chemin jusqu’à la Maison Blanche sont minces, sait-on jamais ? Au pire, il aura au moins eu le mérite de faire trembler un peu les deux mastodontes démocrate et républicain.

Article par Alexandra Joutel

⇒ Pour aller plus loin, lire notre article « Le combat de Robert F. Kennedy Jr. contre les lobbies » paru dans le numéro 119 du magazine Nexus (nov.-déc. 2018) et consultable en accès libre en cliquant sur l’image ci-dessous :

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