Bronchiolite : le nouveau vaccin Abrysvo recommandé pour les femmes enceintes est-il vraiment utile ?
Bien que la bronchiolite du nourrisson reste une maladie majoritairement bénigne, les autorités de santé continuent de déployer un arsenal thérapeutique innovant pour lutter contre son principal responsable : le virus respiratoire syncytial (VRS). Après la mise sur le marché du Beyfortus en septembre dernier, voici le tour de l’Abrysvo, un nouveau vaccin développé par le laboratoire Pfizer.
◆ Vacciner les mères pour immuniser les bébés
Le 13 juin, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié une recommandation vaccinale contre les infections à virus respiratoire syncytial (VRS) avec l’utilisation du vaccin Abrysvo chez les femmes enceintes.
Commercialisé par le laboratoire Pfizer, ce vaccin à dose unique contient deux protéines recombinantes de surface pour les deux sous-types A et B du virus. Le principe est de faire fabriquer des anticorps à la femme enceinte, qui les transmettra à son bébé via le placenta, afin que celui-ci soit immunisé contre les infections à VRS dès sa naissance et jusqu’à l’âge de 6 mois environ.
◆ Des risques reconnus de naissances prématurées
L’administration de ce nouveau produit était à l’étude en France depuis le mois de septembre, après que la Food and Drug Administration (FDA – Agence américaine du médicament) l’a approuvé pour les femmes enceintes le 21 août 2023 et que l’Agence européenne des médicaments (EMA) lui a accordé une autorisation de mise sur le marché dans la foulée.
À l’époque, la HAS ne s’était pas précipitée sur ce nouveau vaccin, dont elle attendait des garanties en termes d’efficacité et de sécurité. Une prudence que l’on ne peut que saluer, étant donné l’échec de l’Arexvy, le précédent candidat vaccin similaire développé par GSK, dont l’essai clinique a dû être interrompu en raison des risques de naissances prématurées. Le problème est que l’Abrysvo est susceptible d’entraîner exactement le même type d’effets indésirables, selon ce qui ressort des premières études présentées par Pfizer (voir notre article précédent).
◆ Quel bénéfice pour une maladie généralement bénigne ?
Dans l’attente d’études complémentaires, ce risque de prématurité non négligeable a conduit la FDA, et aujourd’hui la HAS, à ne recommander l’injection qu’entre la 32e et la 36e semaine d’aménorrhée, soit entre 7 mois ½ et 8 mois ½ de grossesse. Un choix qui permet certes d’éliminer tout risque de grande, voire de très grande prématurité, mais qui n’exclut en aucune façon celui de prématurité. Faut-il le voir comme un moindre mal ?
Tout dépend de la fameuse balance bénéfices/risques. Dans les faits, la bronchiolite du nourrisson s’avère bénigne dans la grande majorité des cas : selon les chiffres de Santé publique France, 2 à 3 % seulement des enfants de moins de 1 an sont hospitalisés chaque année pour une forme sévère et les décès sont très rares (moins de 1 % des cas) et souvent liés à des comorbidités ou à une prématurité.
◆ Alléger le coût des épidémies de bronchiolite
L’objectif de la HAS n’est en réalité pas tant de lutter contre cette maladie que d’alléger l’« énorme fardeau économique et sanitaire » que représentent les épidémies saisonnières de bronchiolite, comme le souligne sa note de cadrage. Les consultations en cabinet et les passages aux urgences pédiatriques exploseraient chaque hiver en raison de cette maladie, saturant les services et augmentant les dépenses de l’Assurance maladie.
◆ L’intérêt des laboratoires à introduire leurs produits innovants
« L’infection infantile par le VRS coûte aux gouvernements du monde entier près de 5 milliards d’euros chaque année », indique la HAS, en s’appuyant sur les données publiées par PROMISE (Preparing for RSV Immunisation and Surveillance in Europe), une entité dont le but est de mettre « l’accent sur l’amélioration des connaissances scientifiques sur le VRS, afin d’éclairer les stratégies de santé publique » et surtout « de renforcer le développement et l’introduction de nouveaux outils de vaccination et de nouvelles thérapies en Europe ». Parmi les participants à ce consortium public-privé, on trouve des agences de santé publique, des universités et des instituts de recherche, mais aussi plusieurs industriels tels qu’AstraZeneca, Novavax, Sanofi Pasteur, Pfizer, GSK, Janssen… Pourrait-on y déceler quelques conflits d’intérêts ?
◆ Beyfortus et Abrysvo : quel impact réel sur les hospitalisations ?
Toujours est-il que pour lutter contre ce « fardeau économique et sanitaire » qu’est la bronchiolite, la HAS avait déjà lancé le 15 septembre dernier une campagne d’immunisation des nourrissons par l’administration d’un autre produit innovant : l’anticorps monoclonal Beyfortus du laboratoire AstraZeneca. Cette solution n’en était toutefois pas vraiment une, puisque la Haute Autorité de santé avait elle-même émis de sérieux doutes quant au service médical rendu par ce médicament pour réduire le nombre et la durée des hospitalisations.
L’Abrysvo sera-t-il plus efficace par rapport à cet objectif ? Le document de recommandation de la HAS (p. 10) n’apporte aucune garantie sur ce point et souligne « l’absence de données robustes (critère de jugement principal) sur l’impact de la vaccination sur les hospitalisations conventionnelles et les hospitalisations en soins intensifs ».
◆ Au final, beaucoup de risques pour rien ?
Tout semble donc bien incertain pour des risques de santé qui s’avèrent élevés. Si l’Abrysvo peut provoquer des naissances prématurées (risque qui fera l’objet d’une pharmacovigilance renforcée, insiste la HAS), le Beyfortus n’est sans doute guère mieux et pourrait être à l’origine d’une surmortalité néonatale constatée à partir de l’automne 2023, suite à son administration assez systématique dans les maternités.
Est-il vraiment nécessaire de prendre autant de risques pour une maladie généralement bénigne et qui guérit spontanément en quelques jours dans la plupart des cas ? Est-il vraiment nécessaire de prendre autant de risques pour (peut-être) aider le système de santé à s’alléger du « fardeau » de la bronchiolite ? Est-il vraiment nécessaire de prendre autant de risques avec des produits innovants dont les données actuelles sont lacunaires ? Aux (futurs) parents d’en juger.
Article par Alexandra Joutel
⇒ Lire notre dossier « Bronchiolite du nourrisson : la nouvelle arnaque de Big Pharma ? » dans le numéro 150 de Nexus (janvier-février 2024) :
(Image principale par Marjon Besteman de Pixabay)
⇔ CHER LECTEUR, L’INFO INDÉPENDANTE A BESOIN DE VOUS !
Nexus ne bénéficie d’aucune subvention publique ou privée, et ne dépend d’aucune pub.
L’information que nous diffusons existe grâce à nos lecteurs, abonnés, ou donateurs.
Pour nous soutenir :
1️⃣ Abonnez-vous
2️⃣ Offrez Nexus
3️⃣ Commandez à l’unité
4️⃣ Faites un don sur TIPEEE ou sur PAYPAL
✅ Découvrez notre dernier numéro
Et gardons le contact :
Retrouvez-nous sur réseaux sociaux
Inscrivez-vous à notre newsletter
- Appel à témoignages : un collectif s’engage pour l’abrogation de l’obligation vaccinale des enfants et le respect du consentement libre et éclairé
- Vaccins obligatoires pour les tout-petits : la liste s’allonge
- Bronchiolite : après le Beyfortus®, bientôt l’Abrysvo® ?
- Bronchiolite : le Beyfortus® est-il responsable d’une surmortalité néonatale ?
- Bronchiolite : le Beyfortus® est-il si prometteur ?