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Paul Watson, le Robin des mers, en détention au Danemark va-t-il être extradé au Japon ?

Paul Watson, le défenseur radical des baleines et des océans qui lutte contre la pêche illégale, a été arrêté au Groenland et placé en détention jusqu’au 15 août par les autorités danoises dans l’attente de son éventuelle extradition vers le Japon. Une forte mobilisation s’est mise en place pour qu’il soit libéré.

◆ Le choix de la radicalité

Certains l’appellent le Robin ou le justicier des mers, ou encore le Pirate. En tout cas, on peut dire que la vie n’est pas de tout repos pour Paul Watson, âgé aujourd’hui de 73 ans, qui a choisi la radicalité pour préserver la vie et l’équilibre des animaux marins et empêcher la mort de plusieurs milliers d’entre eux aux côtés de multiples équipiers. Certaines de ses actions que d’aucuns jugent agressives, comme éperonner des navires, l’ont amené à se confronter aux autorités et à connaître la prison et la cavale, et à vivre dans plusieurs pays, dont la France.

Défenseur de la nature depuis longtemps, il est passé notamment par Wounded Knee, puis Greenpeace avec qui il a été en désaccord sur les modes d’action militants et dont il a été exclu en 1977, avant de fonder lui-même une ONG, la Sea Shepherd Conservation Society.

Invité par LCI en mai 2015, il expliquait qu’il voulait créer « une organisation qui intervienne et qui ne se contente pas de protester ». « Quand les gens me traitent d’écoterroriste, je leur dis non, je n’ai jamais travaillé pour Monsanto ou BP. Je suis un environnementaliste. Je protège la vie. Je ne prends pas la vie. » Paul Watson déclare avoir recours à la « non-violence agressive. L’idée est d’intervenir de manière agressive sans blesser personne, et nous n’avons jamais blessé personne. »

En 2022, après des conflits internes, Paul Watson quitte l’antenne américaine de Sea Shepherd mais « reste directeur de Sea Shepherd France et de Sea Shepherd Brésil et a maintenant créé la Fondation Capitaine Paul Watson aux États-Unis, au Canada, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Espagne, en Allemagne, en Irlande et en Italie, car dans tous ces pays, les directeurs de Sea Shepherd sont sous la coupe de Sea Shepherd Global ». En 2023, il créait la fondation Captain Paul Watson qui opère sous le nom de Neptune’s Pirates. La présidente de Sea Shepherd France, Lamya Essemlali, est quant à elle un fervent soutien de Paul Watson depuis de nombreuses années.

◆ Une mauvaise surprise juste avant d’agir

Si, depuis 2012, suite à des actions directes contre des baleiniers japonais, le Japon avait lancé un mandat d’arrêt international contre Paul Watson, la notice rouge d’Interpol avait disparu depuis. Est-ce pour cette raison que Paul Watson, qui pouvait se déplacer plus sereinement, avait baissé la garde et ne s’attendait pas à cette arrestation du 21 juillet au Groenland ?. Arrestation arrivant juste au moment où il préparait une nouvelle action pour contrer le nouveau méga-baleinier japonais, le Kangei Maru, qui fait « 113 mètres de long, pèse presque 10 000 tonnes », selon Radio France, et qui, « à lui seul, peut capturer de nombreuses baleines, puis conditionner et stocker à son bord jusqu’à 600 tonnes de viande ». L’objectif de ce navire depuis qu’il a pris le large en mai 2024 suivi de plusieurs bateaux harponneurs : « tuer 200 baleines en huit mois ».

◆ Des expéditions meurtrières assumées

Mission dont ne se cachait pas le Japon. En décembre 2018, le pays a décidé de quitter la Commission baleinière internationale pour reprendre la pêche commerciale de la baleine dès l’année suivante, rejoignant ainsi l’Islande et la Norvège. La pêche sera « limitée aux eaux territoriales et à la zone économique exclusive [du Japon] », a assuré le porte-parole du gouvernement, Yoshihide Suga, qui s’est engagé à ce que le pays ne chasse plus la baleine « dans les eaux de l’Antarctique ou dans l’hémisphère Sud », mais seulement dans « les eaux territoriales et dans la zone économique exclusive [du Japon], en accord avec les quotas de prises calculés selon la méthode de la CBI afin de ne pas épuiser les ressources ». Il a également justifié cette décision par « l’absence de concession de la part des pays uniquement attachés à la protection des baleines, […] bien que des éléments scientifiques confirment l’abondance de certaines espèces de baleines ».

Pour Sea Shepherd, encore présidée à l’époque par Paul Watson, la nouvelle était plutôt bonne puisque « l’astuce consistant à se faire passer pour des chercheurs » allait « désormais être abandonnée ». Cela signifiait qu’il n’y aurait « plus aucune justification pour chasser les baleines dans un sanctuaire baleinier international ». Position qui ne correspondait peut-être plus à Paul Watson, puisque quelques années plus tard, il souhaitait contrer le Kangei Maru.

◆ Le pot de mer contre le pot de fer

Pas facile de trouver sur Internet les faits de 2010 précisément reprochés à Paul Watson par le Japon et il règne un certain flou. En tout cas, Paul Watson dérange le Japon depuis des années. Après quelques recherches, nous avons déniché cet article de 2014, écrit par Pierre-Marie Terral et intitulé « “Éco-pirates” : Paul Watson et l’organisation Sea Shepherd, trois décennies d’activisme en haute mer ». Pour les résumer, les « adversaires » de la fondation Sea Shepherd fondée par Paul Watson étaient « les États favorables à la pêche intensive, comme la Norvège et le Canada […] mais avant tout le Japon qui, pour contourner le moratoire sur la pêche commerciale des baleines, la pratiquait “sous couvert de programmes scientifiques” », jusque dans des sanctuaires baleiniers internationaux. Et qui ne se gênait pas pour les revendre ensuite dans les restaurants japonais, comme l’indique Le Monde.

En 2011, « l’escadre pirate monte en puissance, les opérations étant menées […] au moyen de trois navires permettant d’assurer un harcèlement diurne et nocturne des chasseurs de cétacés. L’action des activistes vise à entraver leur progression et à s’interposer entre le gigantesque bateau-usine et les navires harponneurs chargés de l’approvisionner », parfois à l’aide par exemple de pièges à hélices qui les endommageaient. « L’objectif était de couler économiquement la flotte baleinière japonaise en sabotant ses prises. »

◆ Une collision sujette à polémique

L’article évoquait aussi un incident du 5 janvier 2010, une collision entre le Shonan Maru, baleinier japonais et l’Ady Gil, catamaran de Sea Shepherd, information approfondie par Le Point le 24 juillet 2024. Alors que le baleinier japonais était « accusé d’avoir éperonné délibérément » le catamaran, « un rapport publié en novembre 2010 par les affaires maritimes néo-zélandaises, compétentes pour la zone […] concluait que les torts, au minimum, étaient partagés ». Puis, « un rapport d’arbitrage juridique publié en 2015 concluait que l’Ady Gil avait été coulé non par la collision, mais par Sea Shepherd ! »

Le Point affirme également que Paul Watson « a signé un autre protocole d’accord rendu public en août 2016, avec les Japonais, pour éteindre les plaintes en cours devant la justice américaine » qui stipulait que « “Sea Shepherd, Paul Watson ou toute personne agissant de concert avec eux” ont interdiction permanente d’attaquer physiquement” les baleiniers japonais, interdiction “de naviguer d’une manière susceptible de mettre en danger leur sécurité”, ou même de les approcher à moins de 500 yards (457 mètres) ». Document signé également « par l’Institut de recherche sur les cétacés du Japon (ICR), l’entreprise Kyodo Senpaku, armateur du Shonan Maru de 2010… et du Kangei Maru visé en 2024 ».

Un accord toujours en vigueur et contraignant que Paul Watson était sur le point d’enfreindre ?

◆ Quel avenir judiciaire ?

Me François Zimeray, l’un des 4 avocats de Paul Watson, interrogé par Ouest France, estime qu’en cas d’extradition, le Danemark « violerait sa propre constitution et la Convention européenne des droits de l’homme ». L’article souligne que « le système judiciaire et carcéral japonais est très régulièrement dénoncé par les ONG de défense des droits humains » et qu’un rapport de Human Rights Watch de mai 2023 indique que « le système japonais de “justice de l’otage” prive les suspects de leurs droits à une procédure régulière et à un procès équitable ».

◆ Une mobilisation générale

Un ensemble de personnalités françaises comme Nagui, Brigitte Bardot, Stéphane Bern, le chanteur d’Indochine Nicola Sirkis, ainsi qu’une pétition demandent l’intervention du président Emmanuel Macron auprès du Danemark. Le journaliste Hugo Clément, à l’initiative de la pétition, se réjouissait le 23 juillet : « Emmanuel Macron s’est saisi du dossier et [que] la diplomatie française est à l’œuvre pour tenter d’obtenir la libération de Paul Watson. Merci pour l’immense mobilisation citoyenne depuis deux jours, qui fait bouger les lignes ! On ne lâche rien et on continue jusqu’à ce que le capitaine soit libre ! » Sa fondation incite également à écrire aux autorités et propose un courrier en anglais à envoyer.

On peut se demander si et quel(s) intérêt(s) aurait le Danemark de livrer Paul Watson au Japon et s’il écoperait alors effectivement de 15 années d’emprisonnement. Mais quand on constate que l’on peut officiellement cacher des informations majeures à des populations pour les faire vacciner en masse et être réélue à la tête de la Commission européenne, ou être emprisonné pendant des années comme Julian Assange pour avoir participé à la divulgation de mensonges d’État, on est en droit de se dire que Paul Watson risque vraiment la prison.

Un article par Estelle Brattesani

 

(Image principale par Sea Sheperd trouvée sur le site de la pétition)

⇒ Lire notre entretien avec Paul Watson dans notre n° 82 de sept.-oct. 2012 que nous avons mis en accès libre, en cliquant sur l’image ci-dessous :

 

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