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Scandale de la Dépakine : Sanofi condamné à indemniser la lanceuse d’alerte Marine Martin

Le tribunal judiciaire de Paris a condamné lundi le laboratoire Sanofi à verser près de 285 000 € d’indemnités à Marine Martin et à ses deux enfants, victimes des dégâts physiques et neuropsychiques occasionnés par la prise de Dépakine pendant la grossesse de leur mère. Une victoire pour cette lanceuse d’alerte, après douze années de procédure.

◆ Défaut d’information et maintien en circulation d’un produit « défectueux »

Nos confrères du Monde ont annoncé ce mardi 10 septembre 2024 que le tribunal judiciaire de Paris a condamné lundi le laboratoire Sanofi à verser 284 867,24 € d’indemnités à Marine Martin et à ses deux enfants pour « défaut d’information » sur les risques de malformation congénitale et les risques neurodéveloppementaux pour l’enfant à naître, en cas de prise Dépakine pendant la grossesse.

Le laboratoire français, qui se réserve le droit de faire appel, est également tenu pour responsable du « maintien en circulation d’un produit qu’[il] savait défectueux, et d’une faute de vigilance au moment des grossesses de Mme Marine Martin, entre 1998 et 2002 ».

◆ Des conséquences lourdes sur les enfants exposés in utero

Ce « défaut d’information » et la prise de valproate de sodium (le principe actif de la Dépakine) pendant ses grossesses ont été très lourds de conséquences pour Marine Martin, qui prenait l’antiépileptique depuis des années, et ses enfants. Toujours d’après les informations du Monde, l’aînée est née avec « des malformations au visage et a souffert de troubles cognitifs, visuels et dyspraxiques ». Son jeune frère est également né avec des malformations au visage, mais aussi « aux mains et à la verge, nécessitant deux interventions chirurgicales ». Il a par ailleurs développé « des troubles de l’attention, des troubles du langage et a été diagnostiqué autiste Asperger ».

⇒ Visionner le témoignage de Marine Martin dans cette vidéo parue sur la chaîne YouTube de l’Apesac :

On peut également lire un autre témoignage bouleversant des terribles dégâts occasionnés par la Dépakine dans un article du Monde datant du 24 août 2016.

◆ Plus de 30 000 victimes en France

Véritable lanceuse d’alerte concernant ce produit, Marine Martin a créé en 2011 l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (Apesac), qui accompagne aujourd’hui 8 365 victimes en France. D’après les estimations de l’Assurance maladie et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) rapportées par Radio France, il y en aurait près de 34 000 en tout (un chiffre contesté par Sanofi).

Depuis son lancement, l’Apesac a considérablement œuvré pour faire bouger les lignes et informer médecins, autorités de santé et patientes sur les dangers de la Dépakine sur le fœtus. En parallèle, l’association a aussi permis aux victimes d’entreprendre des actions en justice et obtenu la mise en place en 2016 d’un fonds d’indemnisation des victimes du valproate de sodium et de ses dérivés (valpromide, divalproate de sodium) à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam). Comme le rapporte La Croix dans un article de février 2020, Sanofi refuse toutefois « de payer les sommes décidées par cet organisme », estimant qu’il a « informé les autorités sanitaires des risques de malformations il y a plus de trente ans et des risques de trouble du développement à partir de 2003 ».

◆ Sanofi mis en examen pour « tromperie aggravée », « homicides et blessures involontaires »

Outre la plainte de Marine Martin, plusieurs autres ont été déposées au civil contre Sanofi, pas toujours avec succès. En 2017, toujours selon La Croix, la cour d’appel d’Orléans avait condamné le groupe pharmaceutique « à verser 2 millions d’euros d’indemnités à une victime et sa famille, ainsi qu’un million d’euros à l’assurance-maladie pour les dépenses de soins engagées » pour la victime. Mais la Cour de cassation a partiellement cassé cette décision en 2019 et renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Paris.

En 2022, le tribunal de Nanterre a, lui, condamné Sanofi à verser 450 000 € d’indemnités à une autre victime et sa famille. Une action de groupe, la première du genre en France en matière de santé, a également été lancée en 2016 par 14 familles de victimes et a été jugée recevable en janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Paris.

Enfin, une quarantaine de plaintes au pénal ont abouti en 2020 à la mise en examen du laboratoire français pour « tromperie aggravée », « blessures et homicides involontaires », et de l’ANSM pour « blessures et homicides involontaires par négligence ».

◆ D’autres antiépileptiques également dangereux

La Dépakine n’est cependant pas le seul médicament antiépileptique à avoir des effets tératogènes (risque de malformations pour le fœtus), associés à un risque de troubles neurodéveloppementaux pour l’enfant.

Selon un rapport de l’ANSM paru en novembre 2023, si le valproate de sodium est bien la pire de toutes (risque de malformations majeures multiplié par 4-5 et troubles neurodéveloppementaux chez 30 à 40 % des enfants exposés in utero), d’autres molécules présentent une dangerosité élevée, notamment le topiramate (Épitomax et génériques), mais aussi la carbamazépine, le phénobarbital, la primidone, la phénytoïne et la prégabaline. Des études complémentaires sont demandées concernant l’oxcarbazépine. Et les données restent insuffisantes pour pouvoir se prononcer sur d’autres molécules.

◆ Une alerte concernant les pères sous traitement

Toujours selon l’ANSM, les antiépileptiques les plus inoffensifs en cas de grossesse sont la lamotrigine et le lévétiracétam. Néanmoins, une étude de cohorte, rapportée par la revue Prescrire en août 2024, fait apparaître des risques deux fois plus élevés de troubles anxieux et de troubles de l’attention avec hyperactivité chez les enfants exposés au lévétiracétam in utero. À l’évidence, antiépileptiques et grossesses ne font pas bon ménage, quelle que soit la molécule.

Enfin, en mai 2023, l’ANSM a publié une alerte concernant les pères traités à la Dépakine, suite aux résultats d’une étude demandée par l’Apesac en 2017. Les données de cette étude « suggèrent une augmentation du risque de troubles neurodéveloppementaux chez les enfants dont le père a été traité par valproate dans les trois mois avant la conception ». Rien n’est encore confirmé et l’Agence européenne du médicament (EMA) a « demandé aux laboratoires des analyses complémentaires pour évaluer la robustesse de ces données ». Critiquées pour avoir tardé à réagir suite aux premières alertes liées à la Dépakine, les autorités de santé semblent désormais plus promptes à informer.

Article par Alexandra Joutel

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