Mercure dans le thon : une ONG dénonce l’influence des industriels sur les seuils fixés par les autorités
On savait déjà que le thon faisait partie des poissons les plus contaminés au mercure. Mais une enquête menée par l’association BLOOM révèle également que les seuils limites de mercure autorisés dans le thon sont plus laxistes qu’ils ne devraient, de manière à préserver les intérêts financiers des industriels thoniers, au détriment de notre santé.
◆ Les qualités du thon gâchées par la pollution
Un ancien slogan publicitaire des années 1970, devenu quasiment un adage, nous disait que « le thon, c’est bon ». Et sur le fond, ce n’est pas complètement faux : ce poisson gras est en effet riche en oméga-3, en phosphore, en sélénium, il contient du magnésium et du fer et est une excellente source de vitamines B2, B6, B12, A et D3.
Dans un environnement non pollué, ce poisson serait donc parfait pour notre santé. Mais, c’est là le hic, notre environnement est loin d’être pur et le thon, malgré toutes ses qualités, est aussi le réceptacle de plusieurs substances considérées comme toxiques pour la santé humaine. Et parmi elles, le mercure, que l’on retrouve sous sa forme organique appelée méthylmercure.
◆ Les dangers du méthylmercure sur la santé
Le méthylmercure est un neurotoxique grave. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « les fœtus sont particulièrement sensibles aux incidences du mercure sur le développement. Il est susceptible d’avoir des effets préjudiciables sur le cerveau et le système nerveux en développement de l’enfant », avec pour principal effet « l’apparition de troubles du développement neurologique […] la cognition, la mémoire, l’attention, le langage, la motricité fine et la vision dans l’espace peuvent être affectés chez des enfants ayant été exposés au méthylmercure avant la naissance ».
Pour cette raison, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) recommande aux femmes enceintes et allaitantes, ainsi qu’aux enfants de moins de 3 ans, d’éviter au maximum d’en ingérer. Cependant, toutes les tranches d’âge sont concernées par les effets toxiques de cette substance que l’Anses classe également comme cancérogène, mutagène et reprotoxique possible, notamment en cas d’exposition prolongée.
◆ Du thon en boîte surcontaminé
Une enquête publiée en 2016 par l’association 60 Millions de consommateurs révélait déjà que le thon en boîte, toutes marques confondues, contenait « du mercure, de l’arsenic et du cadmium, à des concentrations variables selon les références ». Trois marques en particulier, sur les quinze testées, dépassaient la moitié de la valeur réglementaire fixée à 1 mg de mercure par kilo de thon.
Une autre enquête publiée le 29 octobre dernier et menée par BLOOM, une ONG française dédiée à la préservation des océans, confirme ces dépassements (pouvant aller jusqu’à 3,9 mg/kg) et prouve l’insuffisance des contrôles sanitaires. Mais l’association souligne également que les seuils limites sont appliqués au thon frais, alors que « pendant la cuisson, le thon perd beaucoup d’eau sans perdre de mercure », ce qui fait que « le thon en boîte est beaucoup plus concentré en mercure que le thon frais ».
◆ Un seuil réglementaire plus laxiste pour le thon
Pire encore, l’enquête révèle que cette valeur réglementaire de 1 mg/kg pour le thon est bien supérieure au seuil autorisé pour d’autres espèces de poissons. Pour le cabillaud par exemple, la concentration maximale de mercure autorisée dans l’Union européenne est de 0,3 mg/kg.
Pourquoi celle autorisée pour le thon est-elle trois fois plus élevée, alors que cette substance possède la même toxicité pour la santé humaine, quel que soit le poisson qui la contient ?
◆ L’influence du lobby thonier
En fouillant dans tous les documents réglementaires existants, que ce soit au niveau de l’Europe ou des Nations unies, BLOOM n’a trouvé aucun fondement scientifique ou sanitaire à cette différence de traitement. La seule explication rationnelle à ce « deux poids, deux mesures » se trouve, selon l’association, dans la volonté des autorités publiques de ne pas nuire aux intérêts du puissant lobby thonier.
En effet, le thon est le poisson le plus consommé en Europe : plus d’un milliard de kilogrammes vendu chaque année dans l’Union européenne, soit près de 3 kg par an par habitant. Un marché juteux. D’après BLOOM, le marché mondial du thon représenterait 37 milliards d’euros annuels.
◆ Des intérêts financiers placés au-dessus de la santé
Mais de par sa situation de super-prédateur, le thon est aussi l’un des poissons les plus contaminés au mercure et autres substances toxiques présentes dans les océans, puisqu’en plus d’être lui-même directement contaminé, il mange aussi les poissons plus petits que lui, également contaminés.
Cet état de fait devrait en faire l’un des poissons pour qui la réglementation devrait être la plus stricte. Or, c’est exactement l’inverse qui se produit. Pourquoi ? Tout simplement parce que si le seuil de 0,3 mg/kg était respecté, la grande majorité des thons pêchés ne seraient pas « dans les clous » et ne pourraient donc être vendus. Conclusion de BLOOM : « Le seuil de dangerosité n’a pas été fixé dans l’objectif de protéger la santé humaine, mais uniquement les intérêts financiers de l’industrie thonière. »
⇒ Voir la vidéo réalisée par BLOOM et résumant son enquête :
◆ Un appel à rétablir d’urgence la situation
Dénonçant ce scandale et afin d’y mettre un terme, BLOOM s’est associée avec Foodwatch, une autre ONG spécialisée dans la protection des consommateurs, pour lancer une mobilisation citoyenne.
Concrètement, les deux associations demandent à la Commission européenne de prendre d’urgence une mesure conservatrice pour le thon, en s’alignant sur la teneur maximale la plus stricte qu’elle a fixée pour d’autres espèces, à savoir 0,3 mg/kg. Elles demandent également aux États membres d’activer immédiatement une clause de sauvegarde pour interdire la commercialisation des produits à base de thon dépassant ce seuil sur leur territoire. Enfin, elles demandent aux gouvernements et aux collectivités de bannir des cantines scolaires, des crèches, des maisons de retraite, des maternités et des hôpitaux tout produit contenant du thon, afin de préserver la santé des publics les plus fragiles.
◆ Une pétition pour faire bouger la grande distribution
Les deux associations ont par ailleurs lancé une pétition internationale adressée à dix des plus importants distributeurs du marché européen (dont Carrefour, Intermarché, Leclerc, Lidl, Aldi…), afin qu’ils prennent leurs responsabilités et protègent la santé des consommateurs.
Article par Alexandra Joutel
(Image par Engin Akyurt de Pixabay)
⇒ Lire également notre dossier sur la vaccination animale « De la seringue à votre assiette » paru dans le numéro 155 du magazine Nexus (nov.-déc. 2024) actuellement en kiosque :
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