Robert F. Kennedy Jr : le futur secrétaire à la Santé a décidément mauvaise presse

Depuis l’annonce par Donald Trump de sa nomination au poste de secrétaire à la Santé des États-Unis, Robert F. Kennedy junior fait l’objet d’une véritable opération de “bashing” dans les médias. Dans cet acharnement, le portrait qui ressort de l’homme de 70 ans est assez caricatural. Une récente lettre ouverte exhortant les sénateurs à voter contre sa nomination, signée par 77 Prix Nobel, a été l’occasion d’en remettre une couche.

◆ “Complotiste antivax” et “ex-toxicomane”

Dès le vendredi 15 novembre 2024, au lendemain de l’annonce par Donald Trump de sa future nomination au poste de secrétaire à la Santé des États-Unis, Robert F. Kennedy junior a fait l’objet de titres de presse aussi dénigrants les uns que les autres.

“Vaccinosceptique” et “ex-toxicomane” pour La Nouvelle République. “Antivax et conspirationniste”, selon Le Monde. “Anti-vaccin et adepte de théories du complot”, chez BFM. “Complotiste antivax”, résumait de son côté L’Humanité. “Antivax, contre le fluor, désinformation…”, notait pour sa part Midi Libre dans un style télégraphique.

L’aperçu est non exhaustif, mais reflète assez fidèlement les titres choisis par l’ensemble de la presse francophone au lendemain de cette nomination. Peut-on parler de “Kennedy bashing” généralisé ?

◆ Une seule et même source : l’AFP

Bien entendu, la plupart des articles sont écrits à partir d’une seule et même source : une dépêche de l’Agence France-Presse (AFP) que l’on devine, entre les lignes, assassine. En parcourant les différents contenus, l’avocat américain de 70 ans est loin d’y être présenté sous un jour flatteur.

Ancien héroïnomane, mais aussi “ancien alcoolique”, précise L’Humanité, comme si c’était une tare irrémédiable, qu’importe que l’homme se soit sorti de cet enfer ou non. RFK Jr est un “homme à la personnalité insaisissable”, ajoute Le Monde. Sciences et Avenir le qualifie même d’“excentrique membre de la dynastie Kennedy”.

“Personnage haut en couleur, il avait raconté durant la campagne électorale avoir abandonné le cadavre d’un ourson dans Central Park à New York et avoir un jour dû faire retirer un ver de son cerveau”, balance tout à trac France24 en fin de portrait, sans plus de précision ni d’éléments de contexte, ce qui laisse évidemment le lecteur sur une impression plus qu’étrange et décousue.

◆ Des Prix Nobel contre lui, dont celui qui a travaillé sur les vaccins à ARN messager

Cette première salve n’a pas suffi. Depuis le lundi 9 décembre, c’est rebelote. Une nouvelle dépêche AFP relayée par tous les médias (par exemple La Croix) annonce que “plus de 75 Prix Nobel disent s’opposer au choix de ‘RFK Jr’ comme ministre de la Santé de Trump”.

Très exactement, “77 Prix Nobel de médecine, physique, chimie ou économie” ont signé une “lettre ouverte” adressée aux sénateurs américains, afin de leur enjoindre de voter contre la confirmation de sa nomination.

“Parmi les signataires, précise la dépêche, figure Drew Weissman, prix Nobel de médecine 2023 pour ses travaux sur le développement de vaccins à ARN messager, décisifs dans la lutte contre le Covid-19.” On imagine aisément les inquiétudes du chercheur primé face à l’arrivée de Kennedy, celui-ci étant en effet loin d’être convaincu par les apports bénéfiques de cette nouvelle technologie vaccinale en matière de santé. Et ce n’est certainement pas le rapport Covid accablant, publié le 4 décembre dernier par une commission d’enquête du Congrès américain, qui va le faire changer d’avis.

◆ Un “manque de qualifications ou d’expérience pertinente”

Les lauréats de prix Nobel reprochent notamment à RFK Jr “son manque de qualifications ou d’expérience pertinente en matière de médecine, de science, de santé publique, ou d’administration”. Mais en quoi des Prix Nobel d’économie ou de physique sont-ils eux-mêmes compétents pour le disqualifier ?

Qu’importe, l’occasion est saisie par la presse pour en remettre une couche sur le président de Children’s Health Defense, association qui lutte depuis 17 ans pour la protection de la santé des enfants. Comme ses confrères, Le Figaro répète les mots de l’AFP pour rappeler que “cet ancien avocat en droit de l’environnement, sans formation scientifique, a propagé des théories du complot sur les vaccins contre le Covid-19 comme sur de prétendus liens entre vaccination et autisme, et réclame l’arrêt de l’ajout de fluor dans l’eau courante, pourtant considérée comme une grande réussite sanitaire dans la lutte contre les caries dentaires”.

◆ Des exagérations et des oublis

Personne pour rappeler qu’il a remporté, en tant qu’avocat, un procès historique contre Monsanto et son herbicide au glyphosate, le Roundup, tenu pour probablement responsable du cancer de son client par le tribunal de San Francisco en 2018. Personne pour souligner qu’il a dit vouloir s’attaquer aux pesticides, aux polluants, à la malbouffe et s’occuper sérieusement du fléau sanitaire que représentent les maladies chroniques et l’obésité.

Oui, il pense que la fluoration de l’eau, même si elle est utile pour les caries, est possiblement à l’origine de cancers. Oui, il est contre les vaccins à ARN messager fabriqués à la va-vite pendant le Covid et estime, de façon documentée, que la présence de mercure dans les vaccins infantiles est responsable d’une augmentation des cas d’autisme aux États-Unis. Mais le but de RFK Jr n’est pas d’interdire tous les vaccins. Selon ses propres déclarations, il veut juste que ces produits soient mieux évalués et que “les Américains soient bien informés” sur leurs éventuels risques pour la santé.

◆ Lutter contre la corruption des agences de santé publique

De manière globale, l’objectif du futur secrétaire à la Santé des États-Unis est de lutter contre la corruption et la désinformation. Non pas celle dont l’accusent ses détracteurs, mais celle véhiculée par les industries pharmaceutiques et agroalimentaires, ainsi que par le ministère de l’Agriculture et les agences de santé publique américaines devenues, selon lui, “les marionnettes des industries qu’elles sont censées réglementer”.

Un point que lui reprochent ardemment les 77 Prix Nobel dans leur lettre, dont l’intégralité a été publiée sur le site du New York Times : “Il est un critique agressif d’agences respectées (en particulier la Food and Drug Administration, les Centers for Disease Control et les National Institutes of Health). Le chef du département de la Santé et des Services sociaux (DHHS) devrait continuer à entretenir et à améliorer – et non à menacer – ces institutions importantes et très respectées et leurs employés.”

Selon eux, “M. Kennedy à la tête du DHHS mettrait en danger la santé publique et saperait le leadership mondial de l’Amérique dans les sciences de la santé, dans les secteurs public et commercial”.

◆ Le sénateur démocrate Bernie Sanders en accord avec une partie de son programme

Plus modéré dans ses propos, le sénateur de gauche Bernie Sanders, qui préside actuellement la commission de la santé du Sénat américain, a accueilli plutôt favorablement la nomination de Robert F. Kennedy Jr, sans toutefois se prononcer sur son vote final.

Bien qu’il juge les opinions de RFK Jr sur certaines questions de santé “extrêmement dangereuses” et ses points de vue sur la fluoration de l’eau et les vaccins “très mauvais”, Bernie Sanders reconnaît à l’avocat quelques qualités et se dit prêt au dialogue. “Je pense que ce qu’il dit à propos de l’industrie alimentaire est tout à fait correct. Je pense que l’industrie alimentaire est plus préoccupée par ses profits que par la santé du peuple américain”, a déclaré le sénateur lors d’une interview accordée à CBS News. Bernie Sanders est également en accord avec la volonté de RFK Jr de faire baisser le prix des médicaments sur ordonnance, notamment ceux contre le diabète.

Un peu de nuance ne fait pas de mal…

Article par Alexandra Joutel

(Image extraite du discours de Robert F. Kennedy Jr du 23/08/2024 retransmis sur la chaîne américaine Fox 4 Dallas-Fort Worth et annonçant son ralliement à Donald Trump)

⇒ Lire notre article sur “Le combat de Robert F. Kennedy Jr contre les lobbies” paru dans le numéro 119 du magazine Nexus (nov.-déc. 2018) et consultable en accès libre en cliquant sur l’image ci-dessous :

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