Autonomie alimentaire

Ail des ours : sortons de notre hibernation

Le printemps approche et les lueurs du soleil qui le précèdent donnent envie de sortir de notre tanière. Une raison pour passer de l’hibernation à une sortie dans les bois ? Partir à la cueillette de l’ail des ours en compagnie d’une spécialiste des plantes.

Nathalie Ranjon, formatrice en paysage et maraîchage, que nous avions déjà interviewée au sujet des plantes comestibles et médicinales, des semis ou encore de la plantation des arbres, a embarqué cette fois notre journaliste Estelle Brattesani au cœur d’un bois de l’Indre, dans un coin où l’ail des ours pousse à foison et où les ours, s’ils avaient occupé les lieux, s’en seraient probablement délectés.


Nathalie Ranjon

◆ L’ail vert des sous-bois

Vous connaissez l’ail en gousse, qu’il soit blanc, rose, violet ou noir ? Avez-vous déjà goûté à l’ail des ours (Allium ursinum de son nom scientifique), qui pousse à même le sol principalement dans des endroits arborés, ombragés et humides ? Ses feuilles apparaissent entre février et mars, mais il faut attendre le mois d’avril pour que les fleurs blanchâtres en forme d’étoile de l’ail des ours apparaissent, au grand bonheur des insectes pollinisateurs. Cette plante aromatique verte est de la famille des Alliacées, la même que celle de l’ail, de l’oignon et du poireau, et on peut la reconnaître aisément à son odeur d’ail et de ciboulette. On le connaît également sous le nom d’ail sauvage, pétiolé, des bois, ou des blaireaux, et une légende raconte que cette plante sauvage attirerait les ours à la sortie de leur hibernation pour se nourrir et se purger.

Quelques conseils et précautions

Une fois dans les sous-bois, Nathalie Ranjon a expliqué à notre journaliste pourquoi ne pas sur-prélever d’ail des ours afin que chaque cueilleur et butineur en dispose. Elle lui a montré comment, avec un sécateur ou ses doigts, découper délicatement chaque feuille à la base sans arracher le bulbe et les racines afin que la plante puisse continuer à s’étendre. Elle lui a appris que dans l’ail des ours, tout se mange et tout se ramasse : bulbe, tige, feuille et fleur, la feuille étant toutefois moins parfumée après la floraison. Son conseil : si vous comptez faire sécher votre ail des ours, bien couper juste sous la feuille verte, en évitant la tige qui est plus longue au séchage.


Au centre, feuille d’arum au milieu de l’ail des ours.


Éviter la confusion et ne pas s’intoxiquer

Nathalie nous préconise aussi d’être vigilants lors de la cueillette pour ne pas confondre l’ail des ours avec d’autres plantes toxiques, voire mortelles, comme l’arum, le colchique d’automne ou le muguet de mai.

Si l’odeur forte de l’ail des ours se distingue bien des autres et permet de bien le reconnaître, il y a d’autres façons de se prémunir du danger de l’intoxication par l’observation des plantes. Concernant par exemple l’arum rencontré en grande quantité le jour de l’excursion dans les bois, une fois que cette plante et l’ail des ours ont bien grandi, comme c’est le cas en mars, la forme de leurs feuilles finales est très différente et il devient alors difficile de les confondre. En revanche, en février, quand elles commencent à pousser, la distinction est plus épineuse, car elles se ressemblent alors beaucoup. Comme l’explique le site des Cueilleurs sauvages, les nervures de l’ail des ours sont parallèles, alors que celles de l’arum forment un réseau.



Des vertus et… contre-indications

De manière générale, de nombreux sites expliquent que l’ail des ours a de multiples bienfaits. Un médecin sur Doctissimo nous explique qu’il a des principes actifs identiques à ceux de l’ail commun, mais à des concentrations supérieures : qu’il est notamment dépuratif, antiseptique, antibiotique, hypotenseur, vermifuge, ou rubéfiant (on emploie un rubéfiant pour soulager des entorses, des douleurs arthritiques et rhumatismales), ou encore désinfectant. On dit également qu’il est très riche en vitamine C, qu’il prévient les maladies cardiovasculaires et facilite la digestion. Top Santé partage dans un article plusieurs études scientifiques sur l’ail des ours, dont une qui indique que l’ail des ours présente « un potentiel antioxydant élevé ». Une autre rapportait en 2013 que les études pharmacologiques sur ses bulbes et ses feuilles avaient « commencé assez récemment », soit vingt ans auparavant, et estimait que les conclusions relatives à son efficacité clinique étaient « souvent incohérentes ». Cela étant, elle concluait pourtant que cette espèce végétale était « un candidat possible pour un développement futur en tant que produit médicinal ».

Précisons qu’il est parfois vivement déconseillé de prendre de l’ail des ours : par exemple si vous souffrez d’irritation gastrique, intestinale ou urinaire, si vous avez des maladies de peau, ou si vous êtes sujet à une inflammation des voies respiratoires. Il est préconisé aux femmes enceintes et à celles qui allaitent de ne pas en consommer, et il n’est pas recommandé d’en donner aux enfants.

Pour savoir si cette plante est appropriée pour vous, quelle partie utiliser et sous quelle forme, ainsi que la posologie qui vous conviendrait, nous vous conseillons de consulter au préalable un professionnel de la santé.


À gauche, l’ail des ours fraîchement cueilli. À droite, une fois séché à température douce dans un four.

◆ De nombreuses facettes

En rentrant, après avoir rincé les feuilles pour nettoyer d’éventuelles bactéries d’origine animale, notre journaliste a pu manger les feuilles crues avec de l’huile d’olive et du fromage de chèvre, local lui aussi, et concocter un pesto maison délicieux. Elle a également pu tester le séchage des feuilles dans sa cuisinière à bois à 40 degrés environ pendant quelques heures, dont le résultat émietté sera utile pour l’assaisonnement de ses plats toute l’année, pour agrémenter du sel de table, ou pour des infusions.


Ail des ours émietté après séchage doux.

 


Ail des ours repiqué dans le jardin.

Et une fois la pluie calmée, elle a pu repiquer quelques plants dans son jardin, dans un endroit à mi-ombre et humide. Peut-être tentera-t-elle à la prochaine cueillette d’élaborer une teinture mère, du vinaigre ou de l’huile à l’ail des ours, ou encore de mettre en pratique d’autres idées ou conseils qui lui seront transmis à l’avenir…

Découvrez le lieu et l’association de Nathalie Ranjon, le Jardin des Harmonies :
http://www.aujardindesharmonies.fr/

Article et photos par Estelle Brattesani

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