« Procès Ukraine-Russie : une avalanche d’anomalies » Entretien avec Fabrice Bonnard
Avocat de formation, ancien avocat de la Direction générale des douanes et droits indirects, mais aussi de cartels colombiens, spécialiste en droit international, Fabrice Bonnard « explore » les vieilles affaires qui se sont déroulées entre les États-Unis, l’Onu, l’ex-Yougoslavie, la Russie et la France. Il revient également sur le naufrage du Koursk, le fleuron de la marine russe, l’affaire Alstom et les affaires Fabius, l’armée française, l’école, les universités françaises et sur l’état de la presse en France.
◆ Russie-Ukraine : un procès à La Haye
Depuis la mi-septembre, un procès se tient à La Haye, aux Pays-Bas. Il s’agit pour les juges de savoir si, en pénétrant sur le territoire ukrainien, les Russes se sont placés ou non dans une position contraire à ce que dit le droit international. Dans ce procès, les représentants de 32 pays se succèdent à la barre. Les audiences doivent s’achever le 27 septembre prochain.
Pour parler de ce qui se passe actuellement à La Haye, Armel Joubert des Ouches, journaliste reporter au magazine Nexus, a interviewé Fabrice Bonnard, avocat de formation qui n’est plus inscrit au Barreau, ancien avocat de la Direction générale des douanes en France et aussi des cartels colombiens.
◆ Le jour où la Russie a pénétré en Ukraine
L’opération militaire spéciale de la fédération de Russie, à la demande des nouvelles républiques de Donetsk notamment, a été déclenchée le 24 mars 2022. Deux jours plus tard, alertée par l’invasion de son territoire, l’Ukraine saisit la Cour internationale de justice. Kiev demandait aux juges de la CIJ que la Russie ne dispose que d’un délai d’un mois pour répondre à la saisine. La Russie quant à elle va demander un délai de trois ans. Dans cette affaire, explique Fabrice Bonnard, il y a de nombreuses anomalies.
◆ Une avalanche d’anomalies
La première anomalie est, d’un point de vue ukrainien, d’avoir saisi la CIJ seulement quarante-huit heures après l’invasion. Côté russe, « la Cour internationale a coupé la poire en deux, et a accordé à la fédération de Russie 18 mois. C’était une deuxième anomalie ! Mais il y a eu une troisième anomalie judiciaire ! Trente-deux pays États membres de l’Onu sont intervenus auprès de la CIJ au titre de l’article 63 du règlement de la cour et nous avons donc 34 pays qui s’expliquent actuellement à propos de la guerre en Ukraine. Imaginez que, à la suite des 32 interventions, à l’unanimité des juges, les juges de la Cour internationale de justice se sont insurgés contre cette avalanche d’interventions volontaires ! Pour eux, elles ne tiennent pas debout ! »
◆ « Les Ukrainiens sont les marionnettes de la diplomatie américaine »
« Il faut se rappeler l’intervention au Kosovo où l’Otan a bombardé pendant 78 jours les populations civiles de Belgrade. À l’époque en effet, le Kosovo réclame son indépendance. L’Assemblée générale de l’Onu avait saisi la Cour internationale de justice pour avis consultatif afin de savoir si cette demande d’indépendance était conforme au droit international. 5 juges de l’époque démissionnèrent. L’autoproclamation de l’indépendance du Kosovo prenait en perspective l’indépendance de la Crimée et des 2 provinces de l’est de l’Ukraine. Donc cette vieille affaire ressort ! »
◆ « Je suis l’avocat de tout le monde »
« Vous savez, je suis intervenu auprès du Haut-Commissariat des Droits de l’homme à Genève pour l’utilisation du LBD 40, je suis intervenu auprès des généraux qui avaient tiré la sonnette d’alarme ! Moi, je suis officier de réserve. La devise de Saint-Cyr, c’est “s’instruire pour vaincre”. Quand des généraux aux états de service absolument impeccables se sont bornés à relayer la lettre d’un capitaine en tirant la sonnette d’alarme et qu’on les a poursuivis, mon confrère dangléhant et moi nous sommes évertués à trouver la faille juridique sur ces poursuites. Il est temps que la France redevienne admirable. »
◆ À propos de l’utilisation du LBD 40
«Vous savez, je suis intervenu auprès du Haut-Commissariat des Droits de l’homme à Genève pour l’utilisation du LBD 40, je suis intervenu auprès des généraux qui avaient tiré la sonnette d’alarme ! Moi, je suis officier de réserve. La devise de Saint-Cyr, c’est “s’instruire pour vaincre”. Quand des généraux aux états de service absolument impeccables se sont bornés à relayer la lettre d’un capitaine en tirant la sonnette d’alarme et qu’on les a poursuivis, mon confrère Dangléhant et moi nous sommes évertués à trouver la faille juridique sur ces poursuites. Il est temps que la France redevienne admirable. »
Selon Fabrice Bonnard, ce qui s’est passé au Kosovo est en train de se reproduire avec l’Ukraine et les territoires qui ont proclamé leur auto-indépendance. « L’arrêt qui sera rendu fera date. C’est un arrêt très important par lequel la CIJ et donc l’Onu vont reprendre la main. »
Précisions : Fabrice Bonnard avait fait parler de lui il y a plusieurs années. Le 7 janvier 2013, le tribunal correctionnel d’Albertville, en Savoie, était amené à juger Fabrice Bonnard, poursuivi pour usurpation du titre d’avocat et travail dissimulé, mais pas pour exercice illégal de la profession. Interrogé par Nexus pour cette condamnation, Fabrice Bonnard explique qu’il n’avait pas été radié, mais avait refusé de payer ses cotisations, cotisations qu’il estimait « non conformes au droit international » en vigueur.
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