Environnement

Comment Bill Gates, Jeff Bezos et d’autres financent des projets de vaccins contre les pets de vache

Le marché des vaccins humains et animaux n’en finit pas de prospérer et les innovations vont bon train dans ce secteur, dépassant de loin le cadre de la simple protection contre des maladies infectieuses. Parmi les derniers projets en cours, des vaccins visant à réduire les flatulences des vaches sont en train d’être développés, avec l’aide financière de milliardaires « philanthropes », dont Bill Gates et Jeff Bezos.

◆ Les vaches, productrices de méthane

Les boucs émissaires sont des animaux d’un genre particulier qui mutent en fonction des époques et des lubies du moment. Prenons les vaches, par exemple. Depuis quelque temps, elles sont devenues la cause de tous les maux (enfin, de certains). Leur grand tort ? Elles pètent. Eh oui, ces braves bovidés inoffensifs mangeurs d’herbe ont le mauvais goût, comme tous les ruminants, d’avoir des flatulences pendant leur digestion. Et parfois même, elles rotent. Résultat : elles produisent du méthane. Sans compter celui émanant de leurs excréments.

◆ Le méthane, pire que le dioxyde de carbone

Actuellement, la lutte contre le changement climatique a plutôt pour obsession de limiter les émissions de dioxyde de carbone ou CO2. Mais un gaz peut en cacher un autre et, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la lutte contre le CO2 ne doit pas nous faire occulter l’importance du méthane (CH4), deuxième gaz à effet de serre le plus abondant sur Terre, dont le pouvoir de réchauffement global serait 84 à 86 fois plus élevé que celui du dioxyde de carbone sur une période de 20 ans.

◆ La guerre aux pets de vache

Or, nos amies les vaches, qui sont très nombreuses, en produisent beaucoup. En 2022, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (Onuaa) recensait 1,7 milliard de bovins dans le monde. Selon la plateforme mondiale du méthane, les activités agricoles seraient à elles seules responsables de 40 % des émissions mondiales de méthane. Et d’après le Programme des Nations unies pour l’environnement (UNEP), « les émissions du bétail – provenant du fumier et des rejets gastro-entériques – représentent environ 32 % des émissions de méthane causées par l’Homme ».

Bref, il faut absolument empêcher les bovins d’avoir des gaz ou, de manière plus réaliste, faire en sorte qu’ils en aient moins. Si possible, sans faire exploser ces pauvres bêtes, sans altérer leur processus de digestion, ni détériorer la qualité du lait. Et parmi les différents moyens envisagés (alimentation, additifs, sélection génétique), il y a… les vaccins !

Programme stratégique de la Plateforme mondiale du méthane.

◆ ArkeaBio et l’institut Pirbright dans la course

Deux candidats sont notamment en lice dans la course aux vaccins anti-méthane : ArkeaBio, une start-up étasunienne basée à Boston, et l’institut de recherche britannique Pirbright, associé au Royal Veterinary College de Londres.

Les deux ont récemment réussi à lever d’importants fonds privés pour les aider à réaliser leurs projets de vaccin respectifs : 26,5 millions de dollars pour ArkeaBio et 9,4 millions de dollars pour l’institut Pirbright. En apparence, ces fonds ne proviennent pas des mêmes poches. En apparence, seulement.

◆ Bill Gates et ses amis milliardaires investissent

Le principal investisseur d’ArkeaBio s’appelle Breakthrough Energy Ventures (BEV). Cette entreprise, qui cherche à « financer, lancer et développer des projets œuvrant à l’élimination des gaz à effet de serre dans l’ensemble de l’économie mondiale », dispose de plus de 3,5 milliards de dollars de capitaux déjà investis dans plus de 110 entreprises de pointe, couvrant des domaines aussi variés que les éoliennes de nouvelle génération horizontales, le lait maternel conçu à partir d’une biotechnologie mammaire ou l’imagerie aérienne de qualité depuis l’espace.

BEV existe depuis 2016. Peu connue du grand public, elle regroupe actuellement 34 investisseurs privés, à la tête desquels on découvre un certain… Bill Gates. Eh oui ! Jamais à court d’idées, le milliardaire « philanthrope » américain, fondateur de Microsoft, a décidé de rassembler autour de lui quelques amis richissimes pour investir ensemble dans la décarbonation du monde (tout en continuant chacun à se déplacer en jet privé, on ne saurait en douter).

Bill Gates faisant la promotion de Breakthrough Energy (image extraite du clip officiel).

◆ Jeff Bezos sur tous les fronts

Parmi ses fortunés invités, on trouve notamment Xavier Niel (fondateur du groupe Iliade, propriétaire de Free), Reid Hoffman (cofondateur de LinkedIn), Richard Branson (fondateur du groupe Virgin), Michael Bloomberg (directeur de LP Bloomberg), Jack Ma (président exécutif d’AliBaba), Aditya Mittal (directeur général du groupe Arcelor Mittal)… ou encore Jeff Bezos (fondateur et PDG d’Amazon).

Ce dernier semble particulièrement intéressé par les vaccins anti-méthane, puisque non content de participer au financement d’ArkeaBio via BEV, Jeff Bezos est également le généreux mécène qui a mis 9,4 millions de dollars sur la table pour soutenir le projet de l’institut Pirbright, cette fois à travers son « philanthropique » Fonds pour la Terre.

◆ La Fondation Gates, jamais très loin

Bill Gates, toutefois, n’est pas totalement absent de ce second projet, puisque celui-ci s’appuie sur des outils et des méthodes développés au sein de la plateforme « Anticorps pour l’élevage » de l’institut Pirbright. Cette plateforme, créée en 2019 dans le cadre de l’initiative mondiale onusienne « One Health » (une seule santé pour les animaux et les humains), a été intégralement financée à hauteur de 5,5 millions de dollars par la Fondation Bill & Melinda Gates.

À noter qu’un autre candidat vaccin anti-méthane est également en cours de développement depuis une dizaine d’années en Nouvelle-Zélande, sous la férule de l’institut de recherche AgResearch. Ce dernier a cependant décidé de collaborer en août dernier avec l’institut Pirbright et le Fonds Bezos pour la Terre.

◆ La peu scrupuleuse Rabobank, également dans le coup

Le projet d’AgResearch est par ailleurs soutenu financièrement par le consortium public-privé néo-zélandais AgriZeroNZ, qui a fini par lancer en avril 2024 une entreprise dédiée à la fabrication d’un vaccin anti-méthane. Au sein de ce consortium, on trouve notamment la banque néerlandaise agricole Rabobank, dont le passif laisse à désirer. Impliquée dans le scandale du Libor, poursuivie aux États-Unis pour blanchiment d’argent de la drogue, Rabobank est également accusée par des ONG de financer des agriculteurs responsables de déforestation illégale au Brésil, comme le rapporte le média Impact Investor.

Dans une sorte d’« économie circulaire » que l’on aurait du mal à qualifier de vertueuse, il se trouve qu’AgriZeroNZ et Rabobank font également partie des investisseurs d’ArkeaBio. Comme le monde est petit !

Article par Alexandra Joutel

(Image par AS Photograpy de Pixabay)

⇒ Lire le dossier sur la vaccination animale « De la seringue à votre assiette » paru dans le numéro 155 du magazine Nexus (nov.-déc. 2024) actuellement disponible en kiosque.

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