Crise Covid : les aveux, doutes et certitudes du Pr Delfraissy
Le 12 octobre, le Pr Delfraissy, président du Conseil scientifique opérationnel pendant la crise Covid, était l’invité de Patrick Simonin sur TV5Monde afin de parler de la sortie de son livre Un médecin au front. L’occasion de partager ses doutes sur la gestion de cette crise, de faire certains aveux, mais aussi de maintenir avec fermeté sa position sur certaines mesures sanitaires drastiques.
◆ Une impossible expertise
Le Pr Delfraissy, le professeur d’immunologie clinique chargé de la présidence du Conseil scientifique de mars 2020 à juillet 2022, confie avoir eu le sentiment d’être considéré « comme le père Fouettard de cette crise, même si les décisions ont été prises par le Conseil scientifique », composé de membres « tous bénévoles », précise-t-il.
Il l’admet enfin, affirmer certains éléments scientifiques était prématuré en début de crise Covid, pendant la « période compliquée de mars 2020 » : « Comment on construit l’expertise alors même qu’on est dans un grand domaine d’incertitudes et où la science n’est pas encore au rendez-vous ? […] On est dans une démocratie, ce sont les politiques, quand la science n’est pas encore au rendez-vous, qui décident. Et les experts sont là pour les conseiller. En situation de crise, et au début de la crise, comment peut-on être expert alors que soi-même, on essaie de regarder ce qui va conduire à la décision la moins mauvaise possible ?
◆ Reconnaître les erreurs
« Il y a une résilience extraordinaire de nos concitoyens et tant mieux. […] Et pourtant, et c’est la raison pour laquelle je me suis lancé dans l’écriture de ce livre, il faut qu’on en tire un certain nombre de leçons. Et bien sûr qu’on a fait des erreurs, ça serait ridicule de ma part de ne pas le reconnaître. […] Dans une crise nouvelle de ce type, on acquiert des connaissances au fur et à mesure qu’on les construit et donc oui, on a pu se tromper. »
« J’ai pu me tromper, le conseil scientifique a pu se tromper. »
Par exemple, le Pr Delfraissy affirme qu’ils auraient dû intégrer au sein du Conseil scientifique un vétérinaire ainsi qu’un spécialiste de la santé mentale des enfants, plus tôt qu’ils ne l’ont fait. En revanche, aucun regret exprimé sur l’achat du Remdesivir pour plus d’un milliard d’euros ou sur le fait d’avoir balayé d’un revers de main tous les traitements curatifs et préventifs (hors vaccin) évoqués par d’autres scientifiques.
◆ Un vaccin moins performant que prévu
Le Pr Delfraissy déclare avoir été agréablement surpris par la sortie rapide du vaccin : « Le vaccin est arrivé plus vite qu’on ne l’avait imaginé. […] Le temps de la médecine, le temps de la recherche n’est pas le temps du politique et a fortiori le temps des médias. Le temps de la recherche, c’est plusieurs mois, voire deux, trois ans. Donc ça a été une excellente surprise d’avoir les premiers résultats vers la mi-novembre 2020 sur les essais de phase 3 avec les vaccins mRNA.» Essais de phase 3 qui n’étaient alors pas terminés, rappelons-le. Si le Pr Delfraissy reste persuadé que le vaccin a protégé la population contre les formes sévères et graves du Covid, il déclare tout de même qu’il a été peu performant pour empêcher la transmission, alors que la campagne vaccinale s’est appuyée principalement sur cet argument : « On a pensé aussi que comme beaucoup de vaccins, il allait protéger contre la transmission et, malheureusement, on a eu deux faits négatifs qu’il a fallu observer pour se rendre compte que, un, la durée du vaccin était relativement faible, et en particulier chez les personnes âgées, la durée d’action des vaccins, d’où la répétition des doses vaccinales. […] Et deuxièmement que finalement, il avait une capacité faible à limiter la transmission. »
◆ Un ministre de la Santé qui n’a pas changé de cap
Le ministre de la Santé de l’époque, Olivier Véran, n’a pourtant pas infléchi sa position, comme le souligne Patrick Simonin. Il a continué à considérer et à défendre l’idée que ce vaccin protégeait de la transmission. Mais M. Delfraissy semble lui trouver des excuses : « Je l’ai dit lors d’une audition au Sénat, que probablement il faudrait se faire vacciner à plusieurs reprises, et que probablement, l’action sur la transmission serait faible. » En mars ou avril 2021, le ministre de la Santé était « dans une stratégie d’arriver à vacciner un pays entier. Je ne sais pas si vous imaginez ce que ça peut représenter à la fois en termes de logistique, de messages à passer. » Donc, tant pis si Olivier Véran a préféré se dire : « Oui, c’est un avis du Pr Delfraissy, on verra bien. En tout cas, on vaccine et ce vaccin est celui qui doit nous permettre de sortir de là ». Le professeur conclut : « On avait tous les deux raison […] mais avec des temporalités différentes. »
👉 Voir l’entretien intégral avec le Pr Delfraissy du 12/10/2023 :
◆ Nier l’influence du politique
« C’est simple, normalement, on a d’un côté la science, et de l’autre côté la décision politique, et il ne faut surtout pas mélanger les choses. […] Le Conseil scientifique a été créé, rappelons-le, début mars 2020, et il a fini ses fonctions le 31 juillet 2022. » Malgré certaines tensions entre le Conseil scientifique et le gouvernement pendant « cette relation très très particulière », le Pr Delfraissy évoque entre eux « un dialogue répété et, me semble-t-il, dans de bonnes conditions démocratiques, chacun gardant le respect l’un de l’autre. […] Je n’ai jamais reçu un ordre particulier pour écrire quoi que ce soit sur la gestion de crise.» Malgré cette affirmation, l’animateur rappelle que dans son livre, le professeur évoque « des Conseils de défenses peu transparents ».
◆ Des effets indésirables reconnus, mais secondaires face aux vaccins
Quand Patrick Simonin lui demande si des risques ont été pris, « notamment en vaccinant des gens qui n’avaient pas besoin de l’être », le Pr Delfraissy répond en plébiscitant d’abord le vaccin : « Écoutez, l’OMS retient pour l’instant 20 millions de morts liés à la pandémie Covid, avec probablement beaucoup de trous dans la raquette sur un certain nombre de grands pays comme le Brésil, comme l’Inde et probablement au niveau de la Chine. On est probablement à beaucoup plus que cela. Pour arrêter une pandémie, moi je ne connais pas d’autres mesures que de mettre au point un vaccin. »
« Est-ce que ces nouveaux vaccins mRNA ont des effets secondaires ? La réponse est oui. »
« On les a observés et il n’y a jamais eu autant de surveillance qu’avec la surveillance de ces vaccins mRNA. Pas seulement en France, mais sur l’ensemble des grandes démocraties. Y aura-t-il des effets secondaires à long terme ? je n’en sais rien. On n’a pour l’instant pas de recul, on a un recul de 3 ans. L’évaluation du risque sur 5 ans, sur 10 ans… Je ne vois pas pourquoi il y aurait un risque particulier, je ne vois pas pourquoi, mais je ne le sais pas. Il va falloir attendre et surveiller. Vous avez la même chose pour tout l’ensemble des nouveaux médicaments et Dieu sait s’il y a de l’innovation thérapeutique en ce moment. Un médecin vous dirait qu’avec un nouveau médicament, il n’y a pas d’effets secondaires, ce médecin vous mentirait. Tous les nouveaux médicaments ont des effets secondaires. Là où c’est complexe avec un vaccin, c’est qu’on n’est pas dans le traitement de quelque chose, mais dans la prévention de quelque chose, et il faut donc que la personne, le citoyen s’en empare comme son affaire personnelle. »
S’en emparer « comme son affaire personnelle », tout en n’ayant pas toujours le choix de se faire injecter ou pas, ni un retour officiel détaillé et intègre sur les risques de l’injection, semble compliqué. Notons d’ailleurs que le Pr Delfraissy ne prononce pas un mot sur des pathologies graves déclarées suite à la vaccination, comme les myocardites, les AVC, ni sur les liens admis entre injections et décès.
◆ Des certitudes inébranlables
Ne nous y trompons donc pas, le Pr Delfraissy exprime des doutes, il n’est pas non plus un repenti. Ayant recours à plusieurs reprises à des expressions comme « à la fois », « en même temps », « oui et non », il valide bien les doutes qu’il a exprimés dans son livre et exposés par Patrick Simonin, tout en n’en démordant pas sur certains points, avec une certaine fierté pour la politique sanitaire de la France. Pas un mot sur un pays comme la Suède, mais sur d’autres États d’Europe où la situation a été pire, selon lui : « En termes de mortalité, ou termes de perte de durée de vie, on est un des pays qui s’en sortent le mieux. On s’en sort mieux que l’Allemagne, mieux que l’Angleterre, mieux que l’Italie, mieux que l’Espagne, et beaucoup mieux que les États-Unis, par exemple. »
Quant aux soignants suspendus, malgré ses nombreux doutes émis sur le vaccin, le Pr Delfraissy ne s’est pas rangé de leur côté, au contraire : « Quand on est soignant dans un hôpital, on a un certain nombre de responsabilités, de protéger les autres, et pour protéger les autres, il faut se protéger soi-même, donc ça ne me choque absolument pas, un) qu’on ait rendu obligatoire la vaccination chez les soignants, et deux) qu’on ait pris des mesures strictes pour les gens qui n’étaient pas vaccinés. »
Concernant les confinements, même s’il se dit avoir été traversé d’un doute pendant le premier en mars 2020 et s’être demandé : « Et si on s’était trompés ? », il affirme néanmoins pendant l’émission que ce premier confinement « était une mesure drastique, moyenâgeuse, qui, pour marcher, devait toucher tout le monde. Donc je n’ai aucun regret, aucun regret, parce qu’on a évité une mortalité très importante chez les personnes les plus âgées. »
◆ Des médias qui ont gêné
Si le Pr Delfraissy parle de « tartuffes qui parlaient en continu sur les plateaux des chaînes d’information continue », il précise néanmoins quel type de média cela concernait. Bien évidemment, pas BFM. Dans son livre, il dit citer « très clairement que la chaîne CNews et ses subsidiaires ont joué un rôle très malsain dans cette affaire parce qu’ils ont privilégié à l’information la dispute, la controverse et que les autres chaînes de télé en continu, pour garder une certaine forme d’audience, ont été obligées de suivre. Ça a été très malsain à partir de septembre 2020 et je pèse mes mots. Je suis pour la liberté de la presse, bien sûr, mais il y a un moment donné dans une crise où chacun doit avoir une éthique de son propre mode de fonctionnement. »
Par rapport aux médecins de plateaux, « oui, on a vu des dérapages, on a vu des gens qui n’avaient aucune expertise prendre tout à coup la grosse tête et qui pouvaient avoir des conflits d’intérêts ».
◆ Une mise en garde prémonitoire ?
« Regardons ce qui s’est passé pour l’avenir parce que ça peut recommencer… Bien sûr, ça peut recommencer, et d’abord le Covid n’est pas fini, et on le voit bien. En ce moment, vous avez tous autour de vous des personnes qui font le Covid, mais ça se passe bien parce qu’on a une barrière, soit naturelle, soit vaccinale qui nous protège, mais un variant peut de nouveau arriver. […] Imaginez qu’on ait d’ici quelques années, le plus loin possible, mais en raison de tout ce qui arrive, des changements climatiques, des mouvements migratoires, des crises géopolitiques qui surviennent, un virus qui, au lieu de toucher préférentiellement les personnes âgées, toucherait préférentiellement les enfants, avec des mesures extrêmement difficiles qui seraient à prendre ! »
Quand on écoute avec attention l’intervention intégrale du Pr Delfraissy, on se doute bien que si ce genre de crise se reproduisait et s’il était à nouveau à la tête du Conseil scientifique, seraient à nouveau préconisés le vaccin et l’obligation vaccinale, les confinements, les pass, les nouveaux médicaments plutôt que d’autres traitements, et peut-être encore plus de censure médiatique. Et que seraient à nouveau mis en avant des médecins ne doutant pas des vaccins, plutôt que des médecins comme le Pr Raoult ou le Pr Perronne.
Un article par Estelle Brattesani
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