Bronchiolite : le Beyfortus® est-il si prometteur ?
Depuis le 15 septembre, un nouveau traitement préventif contre le virus respiratoire syncytial (VRS), responsable de la bronchiolite, est autorisé et recommandé en France pour tous les bébés de 0 à 6 mois. Annoncé depuis l’an dernier et fortement promu par le ministère de la Santé, le Beyfortus® est censé permettre une réduction du nombre d’hospitalisations. Rien n’est moins sûr.
◆ Un problème de saturation hospitalière
« Bronchiolite : de nouveaux traitements bientôt disponibles », annonçait déjà un article du Monde à l’automne dernier, alors qu’une forte épidémie de bronchiolite sévissait en France chez les nourrissons, saturant les urgences des hôpitaux. En tout, 73 262 passages aux urgences ont été enregistrés sur l’ensemble de l’hiver 2022-2023, qui ont abouti à 26 104 hospitalisations, d’après Santé publique France. Chaque année, indique encore l’agence, près de 30 % des enfants de moins de 2 ans sont touchés par la bronchiolite et 2 à 3 % des moins de 1 an seraient hospitalisés pour une bronchiolite sévère, parfois mortelle bien que très rarement (moins de 1 % des cas).
◆ Le Synagis® réservé aux plus fragiles
À cette époque, un seul traitement préventif existait contre le virus respiratoire syncytial (VRS) responsable de la bronchiolite : le palivizumab, un anticorps monoclonal injectable commercialisé par le laboratoire AstraZeneca sous le nom de Synagis®. Néanmoins, il n’était autorisé que pour les sujets très fragiles, en particulier les nouveau-nés prématurés ou les anciens prématurés de moins de 2 ans ayant un risque respiratoire particulier. Heureusement, pourrait-on dire, car selon le site du Vidal, chaque dose coûte entre 403,44 € HT et 669,93 € HT, sachant que le Synagis® s’utilise à raison d’une dose mensuelle administrée pendant toute la durée de l’épidémie, soit environ cinq mois !
◆ Le Beyfortus® pour tous
Presque un an plus tard, comme annoncé dans les médias, un nouveau traitement préventif vient d’être autorisé en France : le nirsévimab ou Beyfortus®. Également commercialisé par AstraZeneca, mais en partenariat avec Sanofi, cet anticorps monoclonal pourra cette fois être administré à tous les nourrissons âgés de 0 à 6 mois. La Direction générale de la santé (DGS) le recommande même pour tous les nouveau-nés avant leur sortie de la maternité. Pour rappel, il naît entre 723 000 et 833 000 enfants en France chaque année, selon les chiffres de l’Insee. Espérons que le prix de la dose de Beyfortus® (resté confidentiel, la DGS ne souhaitant pas le diffuser, souligne Le Moniteur des pharmacies) soit très nettement inférieur à celui de la dose de Synagis®. Car même si une seule injection suffit pour le Beyfortus®, il s’agit d’une sacrée aubaine financière pour les fabricants…
◆ Un impact peu évident sur les hospitalisations
Côté efficacité, alors que ce traitement fait l’objet d’une importante campagne de promotion depuis le 15 septembre dernier et qu’il est censé représenter une grande avancée dans la lutte contre la bronchiolite, l’avis de la Haute Autorité de santé (HAS) a plutôt de quoi calmer les ardeurs. Selon elle, le service médical rendu par le nirsévimab est « modéré » pour les nouveau-nés et nourrissons non éligibles au palivizumab. Quant à l’amélioration du service médical rendu pour cette même population, il est jugé « mineur ». A priori efficace pour réduire le nombre de cas de bronchiolites chez les sujets traités, l’impact du nirsévimab sur les hospitalisations reste incertain en raison de « résultats hétérogènes » dans les différentes études. La HAS note également « l’absence de données permettant d’étayer un éventuel impact de Beyfortus® (nirsévimab) en termes de réduction de la durée d’hospitalisation, de transfert en unité de soins intensifs ou en réanimation et de mortalité », ce qui est tout de même dommage pour un médicament dont le but est justement d’éviter ou de réduire les cas sévères et les hospitalisations, la maladie étant la plupart du temps bénigne sans traitement.
◆ Un rapport efficacité/effets indésirables moyen
La toxicité du produit est estimée « acceptable » par la HAS, avec « des effets indésirables (EI) majoritairement de grade 1 (léger) ou 2 (modéré) ». On peut cependant s’étonner de trouver dans la liste des EI les plus fréquents des infections des voies respiratoires supérieures et des rhinopharyngites, alors que l’on cherche à éviter une autre infection respiratoire. Des gastroentérites ont aussi été rapportées, ainsi que des éruptions cutanées assez importantes. Parmi les effets indésirables graves mais rares, on note des bronchiolites, des bronchites, des pneumonies… De manière générale, la HAS juge le rapport efficacité/EI du produit « moyen ».
◆ Un risque de résistance virale
Ce qui l’inquiète davantage est le risque de résistance virale. En effet, compte tenu de la longue demi-vie de l’anticorps monoclonal nirsévimab (ce qui permet de ne faire qu’une seule injection pour cinq mois au lieu d’une dose mensuelle pendant cinq mois pour le palivizumab) et de son utilisation en monothérapie, les sujets traités pourraient finir par développer des anticorps anti-médicament, ce qui entraînerait une sélection de variants résistants et rendrait le médicament inefficace.
En conclusion, même si la HAS a émis un avis favorable sur le Beyfortus®, elle reste globalement mitigée sur son intérêt médical et indique qu’elle le réévaluera dans un an. Mais que les parents de jeunes enfants soient rassurés, un autre traitement préventif contre le VRS est déjà en train d’arriver sur le marché : il s’agit cette fois d’un vaccin. Sera-t-il plus sûr et efficace ? Nous y reviendrons dans un prochain article.
Article par Alexandra Joutel
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