Ferme pilote, maison pédagogique et formations, le campus se veut multiformes. Mais pour le collectif Enseignement agricole public (EAP), le campus Hectar est un « détournement » et un « pillage des outils publics ».

◆ La « start-up nation » arrive dans le monde agricole

Sur son site, Hectar, dont le directeur n’est autre que le cofondateur de BlaBlaCar Francis Nappez, se présente comme un « accélérateur de start-up et d’innovations », une « ferme pilote en agriculture régénératrice », avec des « espaces de coworking, de séminaires et de sensibilisation des jeunes ». Dans un entretien avec la chaîne CultivonsNous.tv, Mme Bourolleau a expliqué que « l’école n’adresse aucun enseignement technique, mais accompagne les entrepreneurs. C’est une business school agricole.» Une des formations proposées, en partenariat avec l’école 42 de M. Niel, est baptisée Agritech IA. Au programme, développement « des compétences techniques dans le cadre de projets d’intelligence artificielle liés au contexte et aux besoins du secteur agricole », avec édition de logiciels agricoles, « fermes verticales intelligentes », serres connectées et robots de désherbage. Une vision bien particulière de l’agriculture.

◆ L’asservissement aux technologies

Pour Véronique Marchesseau, secrétaire générale de la Confédération paysanne, « les formations dispensées vont à l’encontre du modèle qu’on défend. La numérisation agricole accentue la dépossession de notre travail, et s’oppose à l’autonomie paysanne. » Clémentine Mattéi, la cosecrétaire générale du Snetap-FSU, voit la numérisation de l’agriculture d’un mauvais œil. En effet, selon elle, toujours plus de technologies pour produire toujours plus est une mécanique destructrice d’emplois qui crée une dépendance envers ceux qui possèdent le secteur de la robotique : « Ce sont certes de nouveaux outils, comme le furent avant eux les tracteurs, qui peuvent faciliter le travail des agriculteurs. Le souci, c’est qu’ils sont très chers et continueront donc à asservir les paysans. Ils creuseront un peu plus leur dette, aujourd’hui à l’origine de la plupart des suicides. »

◆ Hectar, un arrangement entre amis ?

Emmanuel Macron a proposé un plan de deux milliards d’euros pour soutenir les innovations de « rupture » dans l’agriculture afin de continuer à nourrir une population croissante de façon « saine, durable et traçable ». Or, selon Dominique Blivet, professeur d’économie au lycée agricole d’Angers et syndicaliste de Sud Rural Territoires, « Audrey Bourolleau a été la conseillère du président sur les questions agricoles. On peut donc légitimement penser que c’est elle qui a proposé ce plan et qu’elle a fait en sorte que son projet entre dans le cahier des charges », explique-t-il. « On n’est pas dupes de leurs manipulations, de leurs arrangements entre amis et on sera sur leur passage pour proposer un autre monde. »

Audrey Bourolleau

Alors que les gouvernements réduisent continuellement les budgets de l’éducation, les entreprises privées trouvent encore les moyens de capter l’argent public. Et tandis que certains prônent une décroissance heureuse et un retour à l’agriculture paysanne, nos riches entrepreneurs souhaitent nous emmener vers un monde toujours plus productiviste asservi par les technologies.

Image principale par Lxz2208180358 sur Pixabay

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