Santé

Cancer du sein : faire le dépistage ou pas ?

Tandis que la campagne Octobre rose fait chaque année la promotion du dépistage du cancer du sein, l’Assurance maladie incite les femmes de 50 à 74 ans à réaliser une mammographie systématique tous les deux ans. Pourtant, des professionnels de santé dénoncent les dangers de ce dépistage organisé, dont l’efficacité serait par ailleurs faible. Alors, dépistage ou pas ? Les bonnes informations aident à prendre la bonne décision.

◆ Des risques souvent passés sous silence

Comme l’indique son site internet, Cancer Rose est une « association indépendante, non subventionnée et sans liens d’intérêts », qui regroupe des professionnels de santé et des patientes. Elle milite « pour une information équitable et objective des femmes sur les bénéfices et les risques du dépistage mammographique ».

Car oui, il y a des risques, contrairement à ce que laisse croire la communication institutionnelle, par exemple celles de la Ligue contre le cancer ou de l’Assurance maladie, qui ne présentent que les bénéfices du dépistage organisé. Un peu plus honnête, le site de l’Institut national du cancer (INCa) parle aussi des « limites » de ce dépistage, doux euphémisme pour parler des risques. Mais s’ils sont mentionnés, ceux-ci sont aussitôt minimisés ou considérés comme de moindre importance par rapport aux bénéfices.

◆ 20 à 30 % de surdiagnostics

De nombreuses études, recensées sur le site Cancer Rose, ont pourtant démontré les méfaits du dépistage systématique, ainsi que son efficacité peu significative, voire inexistante sur le pronostic de la maladie (en particulier, aucun effet sur la mortalité due au cancer du sein, comme l’indique par exemple une étude danoise datant de 2010).

Concernant les risques, le principal danger du dépistage systématique réside dans le surdiagnostic, dont le taux est estimé à 20 %, voire 30 % selon certaines études. « Un surdiagnostic se définit comme le diagnostic histologique (c’est-à-dire sous le microscope) d’une “maladie” qui, si elle était restée méconnue, n’aurait jamais entraîné d’inconvénient sur la santé de la patiente durant sa vie, ni n’aurait mis en danger sa vie. Ce n’est pas une erreur de diagnostic, ni une fausse alerte. C’est réellement un cancer au vu de sa définition actuelle », explique le site de Cancer Rose. Sauf que, dans ce cas, ce cancer est « inoffensif ». « En effet, être porteur de cellules cancéreuses ne fait pas de l’individu un cancéreux-malade. Mais plus on fait de la détection, et plus on trouve », ajoute l’association.

(Illustration extraite du site de l’association Cancer Rose)

◆ Les effets du surtraitement

Pour la femme, le risque est donc d’être considérée et de se considérer comme malade, alors qu’elle ne l’est pas. Et de subir, en conséquence, tous les traitements lourds liés au cancer du sein : mastectomie(s), radiothérapie, chimiothérapie, hormonothérapie… À la panoplie d’effets secondaires associés à ces traitements, il faut encore ajouter « un retentissement non négligeable sur la vie affective, sociale, professionnelle, économique de la femme, sur sa santé physique et psychique », souligne Cancer Rose.

À la fin, cependant, la femme « malade » sera « guérie ». Mais pas grâce au dépistage, ni au diagnostic précoce, ni aux traitements. Elle le sera tout simplement parce qu’elle n’a jamais été malade. En revanche, sa santé pourra être considérablement dégradée du fait des traitements et du choc psychologique encaissé…

◆ Les dangers des expositions répétées aux rayons X

Un autre danger est celui de développer un cancer radio-induit. En effet, l’exposition aux rayons X lors d’une mammographie n’est pas sans danger et peut entraîner l’apparition d’un cancer, surtout en cas d’exposition répétée. Or, un dépistage tous les deux ans entre 50 et 74 ans représente treize expositions.

D’après le site de l’INCa, « le risque de décès par cancer radio-induit est de l’ordre de 1 à 10 pour 100 000 femmes ayant réalisé une mammographie tous les deux ans pendant 10 ans ». Mais, selon l’institut, « le nombre de décès évités avec le dépistage est largement supérieur au risque de décès par cancer radio-induit ». Une affirmation non sourcée sur le site et qui ne correspond pas aux résultats des études citées plus haut, qui ne montrent que peu, voire pas d’impact du dépistage sur la mortalité par cancer du sein.

◆ La mammographie « ne doit être utilisée que si elle est utile »

L’INCa précise toutefois qu’en raison de ce risque, la mammographie « ne doit être utilisée que si elle est utile ». Une précaution qui entre en contradiction avec le principe même du dépistage systématique (c’est-à-dire pour tout le monde), par ailleurs promu… Et dans quels cas la mammographie est-elle « utile » ? L’INCa ne l’indique pas.

Pour la Haute Autorité de santé (HAS), toutes les femmes de plus de 50 ans sont à risque. « En effet, c’est après 50 ans que l’on a le plus de risque de développer une tumeur mammaire (près de 80% des cancers du sein surviennent après cet âge), et que le dépistage se révèle le plus efficace. » On en conclut que les mammographies sont jugées utiles pour elles. Mais en raison des risques de cancer radio-induit, la HAS recommande de respecter un intervalle de deux ans pour les faire.

◆ Des cancers d’intervalle plus agressifs

Toutefois, selon une étude de 2020 portant sur une cohorte de plus de 69 000 femmes âgées de 50 à 64 ans et soumises au dépistage organisé, un quart des cancers du sein diagnostiqués chez elles l’ont été dans cet intervalle de deux ans, donc entre deux mammographies. Et ces cancers dits « d’intervalle » étaient généralement plus agressifs (6 fois plus susceptibles d’être de grade III) que ceux détectés au dépistage, avec un risque de mortalité 3,5 fois plus élevé.

Le dépistage mammographique n’a donc pas permis de détecter ces cancers à leur stade précoce. La palpation des seins, l’observation d’un changement dans leur aspect ou l’apparition de douleurs restent donc des moyens de détection privilégiés.

◆ Une balance bénéfices-risques « peu favorable »

Dans son numéro de mai 2006 déjà, la revue Prescrire estimait que la balance bénéfices-risques du dépistage mammographique était « peu favorable ». La HAS reconnaît d’ailleurs que « l’actualisation des méta-analyses et les données en population ont montré que l’impact des programmes sur la mortalité était plus faible qu’attendu dans plusieurs pays ayant mis en place précocement un programme de dépistage ».

Au vu des risques énoncés, ces faibles bénéfices devraient donc inciter les femmes ayant l’âge requis pour le dépistage organisé à bien réfléchir avant d’entreprendre une mammographie, a fortiori plusieurs, surtout si elles n’ont pas d’antécédents familiaux ni de symptômes apparents. Cet acte n’est pas anodin et, selon le résultat, toute leur vie pourrait en être changée, éventuellement pour rien (en cas de surdiagnostic).

◆ Faire un choix libre et éclairé

Encore faut-il qu’elles aient accès à une information la plus impartiale et la plus complète possible sur les bénéfices et les risques de cet examen et qu’elles puissent faire un choix libre et éclairé, en fonction de leur situation personnelle et de leur besoin d’être rassurées. Pour les accompagner dans ce choix, l’association Cancer Rose a mis au point des outils d’aide à la décision, accessibles en ligne et gratuits, disponibles sur le site dédié « Discutons mammo ». Le plus simple est de les utiliser.

Article par Alexandra Joutel

⇒ Lire l’analyse détaillée des études existantes dans l’article du Dr Gérard Delépine paru dans le numéro 154 du magazine Nexus (sept.-oct. 2024), actuellement en kiosque.

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