Santé

Animaux d’élevage vaccinés à l’ARN messager auto-amplifiant : quels risques pour les consommateurs ?

C’est une première en France en médecine vétérinaire. Depuis avril 2024, des canards d’élevage destinés à la consommation humaine sont traités de manière préventive contre la grippe aviaire de type H5, avec un vaccin à ARN messager auto-amplifiant. Cette nouvelle technologie a de quoi alerter. Quels sont les risques pour les consommateurs ? Pourraient-ils se retrouver vaccinés, ou plutôt contaminés à l’ARN messager, à leur insu ?

◆ Une question que beaucoup se posent

« Bonjour, je suis agriculteur et, comme vous le savez tous, on est en train de vacciner les canards, et surtout ils veulent vacciner les vaches par rapport à la fièvre catarrhale et compagnie, avec de l’ARN messager, je ne sais pas s’il est amplifié ou pas. Et beaucoup me posent des questions parce que je fais des vidéos : est-ce que ça va se retrouver dans le foie de canard, dans la viande et dans le lait ? Beaucoup disent : ils ne sont pas arrivés à nous vacciner avec l’ARN messager et ils vont nous vacciner en mangeant les animaux qui ont été vaccinés. Est-ce vrai ou faux ? »

La question a été posée par Sébastien Béraud, agriculteur en Haute-Loire, lors du 7e Sommet citoyen organisé le 9 mars dernier à Braine-l’Alleud en Belgique. Elle était adressée à Jean-Marc Sabatier, docteur en biologie cellulaire et en microbiologie, habilité à diriger des recherches (HDR) en biochimie, et directeur de recherche au CNRS.

◆ Des canards vaccinés à l’ARNm auto-amplifiant depuis avril 2024

Rappelons le contexte. Depuis octobre 2023, le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a lancé une campagne de vaccination contre l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) ciblée sur les canards d’élevage (mulard, de Barbarie et Pékin), dont la viande et le foie gras sont destinés à la commercialisation. Cette vaccination est obligatoire pour les élevages de plus de 250 bêtes.

Au départ, un seul vaccin avait été retenu par les pouvoirs publics : le Volvac B.E.S.T. AI + ND à virus inactivé du laboratoire Boehringer Ingelheim. Mais un deuxième appel d’offres lancé en décembre 2023 a permis à l’État de se munir à partir du 1er avril 2024 d’un second vaccin, le Ceva Respons AI H5 du laboratoire Ceva Santé Animale, comme l’indique le document d’instruction technique de cette campagne, dans sa version rectifiée du 5 avril 2024.

Il s’agit cette fois d’un vaccin à ARN messager auto-amplifiant, c’est-à-dire que les ARN injectés sont conçus pour s’auto-répliquer une fois introduits à l’intérieur des cellules cibles. L’intérêt commercial de cette nouvelle technologie est d’injecter moins d’ARN pour obtenir le même résultat.

◆ Quelles conséquences pour les consommateurs ?

Utilisée pour la première fois en France sur des animaux destinés à la consommation humaine, cette technologie génique a de quoi soulever des inquiétudes. La question est notamment de savoir si ces ARN restent présents dans la viande au moment de sa consommation et, si oui, quelles sont les conséquences possibles pour celui qui les ingère.

Voici la réponse du Dr Sabatier en images (précisons qu’il s’exprime ici à titre personnel) :

◆ « Aucun danger pour l’Homme », selon les autorités sanitaires

Bien entendu, les autorités sanitaires et le gouvernement réfutent tout risque pour les consommateurs. Sur son site Internet, le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire assure que « la consommation de viande ou de produits issus d’animaux vaccinés ne comporte aucun danger pour l’Homme ».

Dans un article publié le 22 janvier 2025 par AFP Factuel, le directeur de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV), Franck Fourès, précise qu’« avant de délivrer une autorisation, on étudie à la fois la sécurité pour l’animal, l’efficacité du vaccin, mais aussi la sécurité pour l’homme, surtout quand il s’agit d’espèces de rentes. On s’assure par exemple que les produits utilisés dans le vaccin ne créent pas de résidus à des niveaux à risque chez l’homme. »

◆ L’ARN vaccinal, rapidement détruit ?

Brigitte Autran, présidente du Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars), affirme dans le même article que « l’ARN est très rapidement détruit dans la cellule », au bout de quelques heures à un jour maximum, et qu’il est « totalement dégradé » au moment où le canard est tué, plusieurs semaines après la seconde injection. Impossible, donc, de l’ingérer.

Le problème est que les autorités sanitaires avaient dit la même chose à propos de l’ARN des vaccins anti-Covid, qui devait lui aussi être dégradé en quelques heures à quelques jours après avoir servi à coder la protéine Spike. Or, le suivi de patients vaccinés et atteints d’hépatite C au Danemark a révélé, dans un article publié en janvier 2023, que l’on pouvait trouver de l’ARN vaccinal dans leur sang jusqu’à 28 jours après leur dernière injection.

En outre, une étude publiée en août 2023 montre que l’on peut détecter de la protéine Spike vaccinale dans le corps des vaccinés jusqu’à 187 jours après l’injection. Une autre, publiée en février 2025, en a retrouvé jusqu’à 709 jours après l’injection, dans le corps de personnes souffrant d’effets post-vaccinaux chroniques. Ce constat pourrait suggérer, entre autres, une persistance de l’ARNm vaccinal, toujours opérationnel pour produire de la Spike, même des mois après l’injection, ou sa possible intégration dans le génome.

◆ Des différences importantes entre ARN naturel et ARN modifié

Contacté par téléphone, Jean-Marc Sabatier insiste pour rappeler que « les ARN vaccinaux n’ont rien à voir avec les ARN messagers naturels : ils ont été modifiés de différentes manières, afin d’être ultra-stabilisés ». Sans doute au point de ne pas se dégrader comme prévu. De plus, « l’ensemble des modifications faites sur l’ARNm auto-amplifiant du Ceva, y compris au niveau d’un nucléoside spécifique, conduit à un composé beaucoup plus stable qu’un ARNm naturel. »

Par ailleurs, dans le cas du Ceva Respons, il s’agit d’un ARNm auto-amplifiant, programmé pour s’auto-répliquer. Combien de fois ? Pendant combien de temps ? Cette technologie est-elle vraiment maîtrisée ? On est en droit d’avoir des doutes, vu les dysfonctionnements constatés après coup avec les ARN simples (non amplifiants) des vaccins anti-Covid.

⇒ Lire notre article du 29/02/2024 :

Les risques des nouveaux vaccins

◆ Les ARN vaccinaux peuvent-ils pénétrer dans nos cellules ?

Toujours selon les propos de Franck Fourès rapportés par AFP Factuel, même si de l’ARN subsistait dans la viande de canard, celui-ci « ne survivrait pas au processus humain de digestion ». « En plus, poursuit-il, ces molécules d’ARN ne peuvent rentrer dans les cellules que si elles sont enrobées d’une couche d’acides gras très spécifiques, elles ne pourraient donc absolument pas passer la barrière intestinale. »

Jean-Marc Sabatier estime que cette affirmation est fausse, car « il a été démontré, avec le vaccin à particules d’ARN Nobivac NTX de la plateforme Sequivity de Merck, commercialisé aux États-Unis, que l’ARNm vaccinal auto-amplifiant n’a pas besoin d’adjuvant lipidique spécifique pour pénétrer dans les cellules dendritiques », qui sont les cellules de l’immunité innée qui présentent les antigènes aux lymphocytes B et T.

Et, de toute façon, « l’ARN du vaccin Ceva Respons n’est pas nu, mais encapsulé dans des nanoparticules lipidiques » (voir le résumé des caractéristiques du produit qui indique bien la présence de lipides cationiques dans les excipients).

◆ Une résistance possible à l’acidité gastrique et à la cuisson

Cet ARN est aussi « accompagné d’oxyde de fer et de squalène qui peuvent le protéger de la dégradation », y compris d’une dégradation par l’acidité de l’estomac. Sans compter qu’avant d’atteindre l’estomac puis les intestins, la viande ingérée passe d’abord par les muqueuses buccales et l’œsophage.

Jean-Marc Sabatier assure également que ces ARN modifiés peuvent très bien résister à la cuisson : « Des études publiées ont prouvé que, selon leur structure, certains ARN peuvent rester stables, même à des températures allant jusqu’à 100 °C pendant 10 minutes ou 80 °C durant 65 heures. »

Bref, les raisons de s’inquiéter existent bel et bien, car si l’ARN auto-amplifiant est encore intact et parfaitement fonctionnel au moment où l’on déguste son foie gras ou sa cuisse de canard, il a de bonnes chances de pénétrer dans notre organisme et de s’y auto-répliquer à notre insu.

◆ Qu’en est-il des autres animaux d’élevage ?

Actuellement, seule une partie des canards de gros élevage en France a reçu une vaccination à l’ARNm auto-amplifiant, l’autre partie ayant reçu le vaccin Volvac à virus inactivé. Mais il faut savoir que les poules pourraient aussi être concernées un jour, puisque l’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) du Ceva Respons est également valable pour ces volatiles.

Concernant la vaccination des vaches et des moutons contre la fièvre catarrhale ovine, les seuls vaccins autorisés en France sont pour l’instant à base de virus inactivé. Pour l’instant.

◆ 33 vaccins à ARNm auto-amplifiant en cours de développement

Mais depuis le Covid, les industriels développent les vaccins à ARNm à tour de bras, et pas seulement pour la médecine vétérinaire (qui comprend aussi les animaux de compagnie). Selon Jean-Marc Sabatier, « ils comptent à l’horizon 2030 remplacer les 500 vaccins actuels, dont environ 120 en médecine humaine, par des vaccins à ARN messager ».

Alors que la sécurité de cette technologie reste, à ce jour, entièrement à démontrer, une étape supplémentaire est déjà en train d’être franchie avec les ARNm auto-amplifiants. Dans un tweet publié le 18 mars dernier, la Fondation McCullough indique que 33 candidats vaccins à ARNm auto-amplifiant sont en cours de développement dans le monde, que ce soit dans le champ de la prévention des maladies infectieuses ou dans celui de la thérapie des cancers.

« Il est temps de prendre conscience des dangers associés à l’utilisation de ces vaccins, notamment ceux à ARNm auto-amplifiant, qui sont les plus dangereux », tente d’alerter Jean-Marc Sabatier, ainsi que d’autres scientifiques. Seront-ils entendus ?

Article par Alexandra Joutel

⇒ Pour aller plus loin, lire notre grand dossier sur la vaccination animale paru dans le n°155 du magazine Nexus (nov.-déc. 2024), disponible dans notre boutique en ligne :

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