La joie d’apprendre dans l’école du 3e type
« L’école ou la vie ? », le dossier de NEXUS n° 100 donne la parole aux enfants autonomes et enthousiastes qui se sont instruits en dehors du système scolaire. Les enseignants inventeurs d’une école du 3e type montrent combien cette émancipation en marche est porteuse de réussites.
Nexus n° 100 explore dans son dossier « L’école ou la vie ? » les modes d’apprentissage alternatifs pour sortir d’un système scolaire souvent vécu comme une machine à broyer l’individu. Nexus donne la parole aux parents, enfants et enseignants qui ont décidé d’inventer une école de troisième type qui respecte les rythmes naturels d’apprentissage de l’enfant et ses aspirations profondes. Les témoignages d’éducation libre et autonome, d’enfants déscolarisés ou bien d’enfants « éclaireurs » dont la vie est intégralement extrascolaire, ouvrent des perspectives d’épanouissement inédites !
Extrait de l’interview de Bernard Collot, ancien instituteur
Bernard Collot, ancien instituteur, raconte comment, pendant trente-cinq ans, il a animé une classe sans horaires, sans programmes et sans leçons.
Avec le recul de trente-cinq années in vivo de « maître ès apprentissages naturels », quels fondamentaux principaux favoriseraient, selon vous, l’apprentissage informel des enfants et des adolescents à l’école ?
Nombreux sont les enfants qui, comme Marcel Pagnol, sont arrivés à l’école en sachant lire sans que l’on sache comment ils l’avaient fait, même pas eux-mêmes. Et les enseignants ne s’en apercevant même pas, croyant le leur avoir appris par leur méthode ! On peut affirmer que tous les apprentissages découlent de l’informel. Il suffit de penser à celui de la parole, qui est certainement l’apprentissage le plus complexe et le plus extraordinaire qu’un petit humain ait à réaliser. Qu’est-ce que l’informel alors et que provoque-t-il ? Notre appareil neurocognitif se construit de par l’interaction avec l’infinité d’informations produites par l’environnement, y compris l’environnement social. Cela dans un tâtonnement expérimental complexe, et non programmable, le plus souvent non visible, que le neurobiologiste Alain Berthoz appelle la simplexité(1). D’autres comme Varela et Maturana affirment même que la caractéristique d’un organisme vivant est de s’auto-créer (autopoïèse) dans l’expérience qu’il a de cet environnement (l’énaction)(2). Les processus, leurs rythmes et ce qui les provoque sont propres à chaque individu. Si on définit l’épanouissement comme la jouissance de toutes ses facultés et potentialités, il y a le dernier élément : le plaisir ! Tous les nombreux travaux avec l’imagerie cérébrale ne cessent de démontrer que c’est dans la situation de plaisir, certains disent même d’enthousiasme(3), que le cerveau est le plus performant pour se complexifier.
Finalement, les principes d’une école du 3e type sont ceux qui n’empêchent pas l’apprentissage naturel :
– un espace dont l’environnement interne et son aménagement vont être « provocateurs » ;
– l’ouverture de cet espace vers l’extérieur, y compris l’environnement social (familles, village, quartier…) ;
– des enfants de plusieurs âges et la présence d’autres adultes, alors tous les langages sont utilisés à divers degrés en situation réelle et non d’exercice ;
– un embryon de structure permettant l’auto-organisation ;
– la liberté d’être ce que l’on est, pouvoir l’exprimer, l’assumer, et de faire, parmi et/ou avec les autres. Ce dernier point induit l’auto-organisation par les enfants. Ce qui a validé ces principes, c’est que mon école a perduré trente-cinq ans et qu’ensuite les enfants suivaient normalement le cursus scolaire qu’ils étaient obligés de rejoindre.
Notes
1. A. Berthoz, 2009, La Simplexité, Odile Jacob.
2. Varela, F. J. 1989, Autonomie et connaissance : Essai sur le vivant, Seuil.
3. Le neurobiologiste Gerald Hüther.
→ Retrouvez l’intégralité de l’interview dans « L’école ou la vie ? » (28 p.)
NEXUS n° 100 (sept.-oct. 2015)