Laurent Alexandre, l’eugénisme et l’avenir de l’humanité face à l’IA
Heliospect Genomics, une start-up étasunienne, propose aux parents désireux d’avoir un enfant par procréation artificielle d’analyser une centaine d’embryons, afin de sélectionner ceux qui seront les plus « intelligents ». Pour le « futurologue » Laurent Alexandre, cette « technologie très clivante » va « se généraliser très vite », si les humains veulent rester « compétitifs face à l’intelligence artificielle ».
◆ La course à l’intelligence
Dès lors qu’il s’agit d’amélioration des performances intellectuelles et de fabrication d’un humain augmenté, Laurent Alexandre est toujours prompt à s’enthousiasmer.
Récemment invité aux « Rencontres de l’avenir » pour y débattre de « L’avenir de l’immortalité », l’entrepreneur adepte des NBIC (champ de recherche scientifique regroupant les nanotechnologies, les biotechnologies, l’informatique et les sciences cognitives) en a profité pour accorder une interview au média Le Crayon, dans laquelle il vante les mérites d’une « société américaine » qui « commercialise un kit d’analyse des embryons, de manière à sélectionner l’embryon qui va être le plus intelligent et de l’implanter par procréation médicalement assistée ».
Laurent Alexandre répond au média Le Crayon.
◆ Des bébés à 50 000 $
En effet, une enquête du journal britannique The Guardian, menée en collaboration avec l’ONG Hope not Hate, a révélé le 18 octobre dernier qu’une start-up étasunienne, Heliospect Genomics, proposait aux parents désireux d’avoir un enfant par fécondation in vitro (FIV) la possibilité d’analyser une centaine d’embryons et de sélectionner ceux ayant le potentiel de quotient intellectuel (QI) le plus élevé. Le tout pour 50 000 $.
Comment Heliospect Genomics y parvient-elle ? Elle aurait créé des outils de prédiction élaborés à partir des données fournies par la UK Biobank. Cet organisme britannique regroupe actuellement la base de données biomédicales la plus importante au monde et héberge les échantillons biologiques et les données de santé d’un demi-million de personnes volontaires.
◆ Arnaque ou réalité ?
Aux dernières nouvelles, personne n’a identifié le moindre gène de l’intelligence et rien ne prouve qu’elle est une qualité héréditaire ou uniquement héréditaire. Et pour commencer, il conviendrait de définir exactement ce qu’est l’intelligence ; or, les contours en restent aujourd’hui encore très flous. Certains avancent même qu’il existerait plusieurs types d’intelligence et le débat est loin d’être clos.
Pour vendre du rêve aux futurs parents avides d’avoir une progéniture dans le haut du tableau et assez riches pour payer 50 000 $, Heliospect Genomics se base sur le QI et promet des enfants ayant jusqu’à six points de QI au-dessus de la moyenne. C’est précis ! D’après The Guardian, cinq couples auraient déjà cédé aux sirènes de cet élitisme vendu sur catalogue. Il serait intéressant de pouvoir vérifier d’ici quelques années s’ils se sont fait arnaquer.
◆ L’eugénisme au nom de la compétition avec l’IA
En attendant, ce genre de pratique soulève évidemment des questions éthiques autour de ce qui s’appelle ni plus ni moins de l’eugénisme. Laurent Alexandre en convient : « C’est une technologie très clivante, très perturbante, mais qui va se généraliser très vite », prophétise-t-il au micro du Crayon, affirmant que « 38 % des Américains souhaitent que leur enfant soit génétiquement sélectionné pour entrer dans une bonne université et donc être compétitif face à l’intelligence artificielle ». Ce chiffre, que nous n’avons pas pu vérifier, serait issu d’une étude parue dans la revue Science, sans source précise indiquée.
◆ L’ambition et le pragmatisme l’emporteront-ils sur l’éthique ?
Pour l’entrepreneur « futurologue », l’intelligence artificielle est un « tsunami technologique » qui va bouleverser nos vies et provoquer un changement de civilisation. Raison pour laquelle la barrière morale autour de l’eugénisme va, selon lui, « sauter assez vite ».
« Je crois que peu de parents, même en Europe, vont souhaiter fabriquer des bébés qui vont être au revenu universel ou au chômage à vie parce qu’ils ne seront pas compétitifs face à l’intelligence artificielle », insiste-t-il, avec une conviction teintée de provocation. Autrement dit, l’eugénisme sera la seule solution pour faire plus que survivre dans le monde de demain. Et sans doute faudra-t-il encore nous ajouter quelques implants dans le cerveau pour être vraiment à la hauteur de l’IA. Bienvenue à Gattaca !
Article par Alexandra Joutel
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